The Project Gutenberg EBook of Oeuvres de Napoleon Bonaparte, TOME III. by Napoleon Bonaparte This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net Title: Oeuvres de Napoleon Bonaparte, TOME III. Author: Napoleon Bonaparte Release Date: July 12, 2004 [EBook #12893] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK NAPOLEON, TOME III *** Produced by Robert Connal, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by gallica (Bibliotheque nationale de France) at http://gallica.bnf.fr OEUVRES DE NAPOLEON BONAPARTE. TOME TROISIEME. MDCCCXXI. EXPEDITION D'EGYPTE. (Suite) Au quartier-general du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799.) _Au general Reynier ou au commandant de Cesaree_. Le scheick qui vous remettra cette lettre, citoyen general, me fait esperer qu'il pourra reunir assez de moyens de transport pour faire venir a Caiffa le riz et le biscuit qui doivent etre arrives a Cesaree: concertez-vous avec lui et donnez-lui toute l'assistance dont il peut avoir besoin. Nous sommes maitres de Caiffa, ou nous avons trouve des magasins de coton et entre autres trois mille quintaux de ble. La route de Cesaree a Saint-Jean d'Acre passe par Caiffa et va toujours le long de la mer. Le general Reynier doit avoir recu l'ordre de laisser un bataillon a Cesaree et de se rendre avec le reste a Saint-Jean d'Acre. Faites passer la lettre ci-jointe a l'adjudant-general Grezieux. BONAPARTE. Au quartier-general du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799). _A l'adjudant-general Grezieux._ Nous nous sommes empares de Caiffa, ou nous avons trouve des magasins de coton et trois mille quintaux de ble, prise d'autant meilleure, que ce ble etait destine a l'approvisionnement de l'escadre qui bloque Alexandrie. Le capitaine Smith, avec deux vaisseaux de guerre anglais, est arrive d'Alexandrie a Saint-Jean d'Acre: ainsi, si notre flottille arrivait, vous feriez debarquer promptement les denrees, vous feriez entrer dans la rade les batimens, tels que _la Fortune_, qui pourraient y entrer, et vous renverriez sur-le-champ les autres prendre leur station a Damiette. Nous avons eu une affaire au village de Kakoun avec la cavalerie de Djezzar, reunie a des Arabes et a des paysans. Apres quelques coups de canon, tout s'est disperse; la cavalerie de Djezzar a fait en quatre heures deux journees de marche; elle est arrivee a Acre le meme jour de l'affaire, et y a porte la consternation et l'effroi; la plupart de cette cavalerie est aujourd'hui dispersee. L'investissement d'Acre sera fait ce soir: faites connaitre ces nouvelles a Damiette et au Caire. Envoyez-nous le plus de biscuit et de riz que vous pourrez, sur des batimens qui debarqueront a Courra ou a Tentoura: nous sommes bien avec les habitans de ce pays, qui sont venus au devant de nous et se comportent fort bien. BONAPARTE. Au quartier-general du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799). _Au contre-amiral Ganteaume_. Vous donnerez l'ordre, citoyen general, a la flottille commandee par le capitaine Stendelet, si elle n'est pas encore sortie de Damiette, de ne pas sortir: il fera seulement sortir _le Pluvier_, charge de riz et de biscuit, lequel se rendra a Jaffa, ou il debarquera son chargement, et apres quoi il s'en retournera. Si la flottille etait partie, vous lui enverriez l'ordre de rentrer, en dechargeant les denrees a Jaffa, si elle peut le faire sans eprouver aucun retard: elle ira a Damiette, ou, si elle le peut, a Bourlos. Vous donnerez l'ordre au contre-amiral Perree de ne pas operer sa sortie, et, s'il l'avait operee et qu'il ne trouvat votre ordre qu'a Jaffa, de faire une tournee du cote de Candie, afin de recueillir des nouvelles des batimens venant d'Europe, et de venir quinze ou vingt jours apres son depart de Jaffa a Damiette, ou il trouvera de nouvelles instructions: dans l'intervalle du temps, il enverra a Damiette un brick pour faire part des nouvelles qu'il aurait pu apprendre. BONAPARTE. Au quartier-general du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799). PROCLAMATION. _Aux scheicks, ulemas, scherifs, orateurs de mosquees et autres habitans du pachalic d'Acre_. Dieu est clement et misericordieux. Dieu donne la victoire a qui il veut; il n'en doit compte a personne. Les peuples doivent se soumettre a sa volonte. En entrant avec mon armee dans le pachalic d'Acre, mon intention est de punir Djezzar-Pacha de ce qu'il a ose me provoquer a la guerre, et de vous delivrer des vexations qu'il exerce envers le peuple. Dieu, qui tot ou tard punit les tyrans, a decide que la fin du regne de Djezzar etait arrivee. Vous, bons musulmans, habitans, vous ne devez pas prendre l'epouvante, car je suis l'ami de tous ceux qui ne commettent point de mauvaises actions et qui vivent tranquilles. Que chaque commune ait donc a m'envoyer ses deputes a mon camp, afin que je les inscrive et leur donner des sauf-conduits, car je ne peux pas repondre sans cela du mal qui leur arriverait. Je suis terrible envers mes ennemis, bon, clement et misericordieux envers le peuple et ceux qui se declarent mes amis. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 29 ventose an 7 (19 mars 1799). _Au fils d'Omar-Daher_. Omar-Daher, qui pendant tant d'annees a commande a Acre, dans la Tiberiade et dans toute la Galilee, homme recommandable par ses grandes actions, les talens distingues qu'il avait recus de Dieu, et la bonne conduite qu'il a tenue en tout temps envers les Francais, dont il a constamment encourage le commerce, a ete detruit et remplace par Djezzar-Pacha, homme feroce et ennemi du peuple. Dieu, qui tot ou tard punit les mechans, veut aujourd'hui que les choses changent. J'ai choisi le scheick Abbas-el-Daher, fils d'Omar-Daher en consideration de son merite personnel, et convaincu qu'il sera comme son pere ennemi des vexations et bienfaiteur du peuple, pour commander dans toute la Tiberiade, en attendant que je puisse le faire aussi grand que son pere. J'ordonne donc, par la presente, au scheick El-Beled et au peuple de la Tiberiade de reconnaitre le scheick Abbas-El-Daher pour leur scheick. Nous l'avons en consequence revetu d'une pelisse. J'ordonne egalement au scheick El-Beled de Nazareth de lui faire remettre les maisons, jardins et autres biens que le scheick Omar-Daher possedait a Nazareth. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 30 ventose an 7 (20 mars 1799). _A l'emir Bechir_. Apres m'etre empare de toute l'Egypte, j'ai traverse les deserts et suis entre en Syrie; je me suis empare des forts d'El-Arich, Gaza et Jaffa, qu'avaient envahis les troupes de Djezzar-Pacha; j'ai battu et detruit toute son armee; je viens de l'enfermer dans la place d'Acre, dont je suis occupe depuis avant-hier a faire le siege. Je m'empresse de vous faire connaitre toutes ces nouvelles, parce que je sais qu'elles doivent vous etre agreables, puisque toutes ces victoires aneantissent la tyrannie d'un homme feroce qui a fait autant de mal a la brave nation druse qu'au genre humain. Mon intention est de rendre la nation druse independante, d'alleger le tribut qu'elle paye, et de lui rendre le port de Bezuth, et autres villes qui lui sont necessaires pour les debouches de son commerce. Je desire que le plus tot possible vous veniez vous-meme ou que vous envoyiez quelqu'un pour me voir ici devant Acre, afin de prendre tous les arrangemens necessaires pour vous delivrer de nos ennemis communs. Vous pourrez faire proclamer dans tous les villages de la nation druse que ceux qui viendront apporter des vivres au camp et surtout du vin et de l'eau-de-vie, seront exactement payes. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 1er germinal an 7 (21 mars 1799). _Au scheick Mustapha-Bekir_. Le scheick Mustapha-Bekir, homme recommandable par ses talens et par son credit, qui lui ont merite les persecutions d'Achmet-Pacha, qui l'a tenu sept ans dans les fers, est nomme commandant de Saffet et du port de Guerbanet Yakoub. Il est ordonne a tous les scheicks et habitans de lui preter main-forte pour arreter les Musselinins, les troupes de Djezzar et autres qui s'opposeront a l'execution de nos ordres: il a ete a cet effet revetu d'une pelisse. Il lui est expressement recommande de ne commettre aucune vexation envers les fellahs et de repousser avec courage tous ceux qui pretendraient entrer sur le territoire du pachalic d'Acre. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 2 germinal an 7 (22 mars 1799). _A l'adjudant-general Almeyras_. Je vous ai expedie deux bateaux le 13 et le 16, pour vous faire connaitre nos besoins d'artillerie. Les boulets que nous a envoyes l'ennemi, joints a ceux que vous nous avez fait passer a Jaffa, nous mettent a meme de pouvoir attaquer dans trois ou quatre jours. Tout le pays est entierement soumis et devoue; une armee venue de Damas a ete completement battue; le general Junot, avec trois cents hommes de la deuxieme legere, a battu trois a quatre mille hommes de cavalerie, en a mis cinq a six cents hors de combat, et pris cinq drapeaux: c'est une des affaires brillantes de la guerre. Ne perdez pas de vue les fortifications et les approvisionnemens de Lesbeh; car, si l'hiver et le printemps nous nous sommes battus en Syrie, il serait possible que cet ete une armee de debarquement nous mit a meme d'acquerir de la gloire a Damiette. Donnez de vos nouvelles au general Dugua. BONAPARTE. An camp d'Acre, le 7 germinal an 7 (27 mars 1799) _Au Mollah Murad-Radeh a Damas_. Je m'empresse de vous apprendre, afin que vous en fassiez part a vos compatriotes de Damas, mon entree en Syrie. Djezzar-Pacha ayant fait une invasion en Egypte, et ayant occupe le fort d'El-Arich avec; ses troupes, je me suis vu oblige de traverser les deserts pour m'opposer a ses agressions: Dieu, qui a decide que le regne des tyrans tant en Egypte qu'en Syrie devait etre termine, m'a donne la victoire. Je me suis empare de Gaza, Jaffa et Caiffa, et je suis devant Acre, qui d'ici a peu de jours sera en mon pouvoir. Je desire que vous fassiez connaitre aux ulemas, aux scherifs et aux principaux scheicks de Damas, ainsi qu'aux agas des janissaires, que mon intention n'est point de rien faire qui soit contraire a la religion, aux habitans et aux proprietes des gens du pays: en consequence je desire que la caravane de la Mecque ait lieu comme a l'ordinaire. J'accorderai, a cet effet, protection et tout ce dont elle aura besoin: il suffit qu'on me le fasse savoir. Je desire que, dans cette circonstance essentielle, les habitans de Damas se conduisent avec la meme prudence et la meme sagesse que les habitans du Caire; ils me trouveront le meme, clement et misericordieux envers le peuple, et zele pour tout ce qui peut interesser la religion et la justice. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 13 germinal an 7 (2 avril 1799). _A l'adjudant-general Almeyras._ J'expedie a Damiette un batiment, pour vous donner des nouvelles de l'armee et porter des lettres du general Dommartin au commandant de l'artillerie, au contre-amiral Ganteaume et au commandant de la flottille. Je vous prie de prendre toutes les mesures pour nous envoyer le plus promptement possible toutes les munitions de guerre qui sont a Damiette, sur des djermes. Le general Dugua me mande qu'il a envoye a Damiette deux mille boulets de 12 et de 8, et des obusiers. Si nous les avions ici, Saint-Jean d'Acre serait bientot pris. Nous eprouvons une grande penurie de munitions de guerre. Les forts de Saffet-Sour et la plus grande partie des montagnes qui nous entourent, sont soumis; donnez ces nouvelles au Caire et a Alexandrie: une partie de l'armee ne tardera pas a etre de retour. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 16 germinal an 7 (5 avril 1799). _Au meme._ Je vous ai expedie le 13 un bateau avec un officier de marine, pour vous faire connaitre le besoin que nous avons de munitions de guerre: de peur qu'il ne soit pas arrive, je vous en expedie un second. Faites porter sur des djermes ou sur tout autre batiment, tous les boulets de 12 et de 8 d'obusiers, et les cartouches d'infanterie que vous aurez a votre disposition a Damiette. Envoyez-nous egalement les pieces d'un calibre superieur a 8, qui seraient arrivees d'Alexandrie a Damiette, ou qui se trouveraient a Damiette par un accident quelconque: ces batimens iront droit a Jaffa, ou ils debarqueront leurs munitions de guerre. Donnez de nos nouvelles a Alexandrie et au Caire. L'armee est abondamment pourvue de tout, et tout va fort bien; tous les peuples se soumettent: les Mutuelis, les Maronites et les Druses sont avec nous. Damas n'attend plus que la nouvelle de la prise de Saint-Jean d'Acre pour nous envoyer ses clefs; les Maugrabins, les mameloucks et autres troupes de Djezzar se sont battues entre elles: il y a eu beaucoup de sang repandu. Par les dernieres nouvelles que j'ai recues d'Europe, les rois de Sardaigne et des Deux-Siciles n'existent plus. L'empereur a desavoue la conduite du roi de Naples, la paix de Rastadt etait sur le point d'etre conclue; ainsi la paix generale n'etait pas encore troublee: il faisait un froid excessif. Envoyez des ordres a Catieh pour faire filer sur l'armee le plus promptement possible les munitions de guerre qui peuvent y etre. Je compte sur votre intelligence et sur votre zele pour faire passer sans delai les munitions de guerre que je vous ai demandees. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 16 germinal an 7 (5 avril 1799). _A l'adjudant-general Grezieux._ Je vous reexpedie, citoyen general, le bateau qui nous est arrive ce matin de Jaffa, pour vous faire connaitre nos besoins. Il y a huit jours qu'un bataillon avec tous les moyens de charrois du parc, est parti pour prendre a Jaffa des pieces de 4 et autres munitions de guerre: nous esperons qu'il sera de retour demain. Le contre-amiral Ganteaume a expedie, il y a quatre jours, un officier sur un batiment, pour Damiette: j'apprends qu'il a passe a Jaffa. Il a ete expedie a Damiette pour porter des ordres pour que toutes les munitions de guerre qui sont a Damiette partent pour Jaffa. Nous avons le plus grand besoin de boulets de 12, de 8, d'obus et de bombes, des mortiers de Jaffa et des cartouches d'infanterie: ce ne sera qu'a leur arrivee que nous pourrons attaquer et prendre Acre. Des l'instant que le convoi par terre sera arrive, on le laissera reposer un jour, et on le renverra pour aller prendre a Jaffa les munitions de guerre qui pourraient y etre arrivees. Faites mettre sur une djerme trois des obusiers turcs que nous avons trouves a Jaffa avec tous les obus propres a ces obusiers, qui se trouvent a Jaffa. Faites mettre aussi toutes les bombes des mortiers que nous avons trouvees a Jaffa, et qui ne seraient pas parties par terre. Le batiment peut se rendre a Tentoura, ou il debarquera, s'il y trouve des troupes francaises; sinon il profitera de la nuit pour venir a Caiffa. Le commodore Sidney Smith avec les deux vaisseaux _le Tigre_ et _le Thesee_, apres avoir ete absent dix jours, vient de retablir sa croisiere depuis deux jours. La flotte du citoyen Stendelet a recu ordre de se rendre a Jaffa; il debarquera les vivres et l'artillerie qu'il peut avoir. L'aviso _l'Etoile_ a ordre de desarmer et de laisser les deux pieces de 18 que vous nous enverrez par le prochain convoi. Le contre-amiral Perree a recu egalement l'ordre de faire arriver a Jaffa trois pieces de 24, quatre de 18 et des mortiers, avec sis cents boulets de 12. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 19 germinal an 7 (8 anil 1799). _Au general Marmont._ Vous aurez sans doute recu, citoyen general, les differentes lettres que je vous ai ecrites depuis la prise d'El-Arich jusqu'a celle de Jaffa. Nous sommes depuis quinze jours devant Saint-Jean d'Acre, ou nous tenons enferme Djezzar-Pacha. La grande quantite d'artillerie que les Anglais y ont jetee avec un renfort de canonniers et d'officiers, joint a notre peu d'artillerie, a retarde la prise de cette place; mais les deux vaisseaux de guerre anglais se sont laches hier contre nous, et nous ont tire plus de deux mille boulets, ce qui nous en a approvisionnes: j'ai donc lieu d'esperer que sous peu de jours nous serons maitres de cette place. Nous sommes maitres de Saffet-Sour: les Mutuelis et les Druses sont avec nous. J'espere que vous n'aurez pas perdu un instant pour l'armement et pour l'approvisionnement d'Alexandrie, et que vous serez en mesure pour recevoir les ennemis, s'ils se presentent de ce cote. Je compte, dans le mois prochain, etre en Egypte et avoir fini toute mon operation de Syrie. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 24 germinal an 7 (13 avril 1799). _Au general Kleber._ J'ai recu, citoyen general, vos differentes lettres. L'adjudant-general Leturcq, qui est arrive a Caiffa avec le convoi, nous apporte de quoi faire une grande quantite de cartouches. Des l'instant qu'elles seront faites, on vous en enverra le plus qu'il sera possible. Le general Murat laissera a Saffet les cent cinquante hommes de la vingt-cinquieme que vous aviez laisses a Caiffa; vous les prendrez la pour les placer ou vous jugerez a propos. Je desirerais qu'avec le reste de sa colonne il put etre de retour pour l'assaut d'Acre, qui pourra avoir lieu le 30. Ecrivez a Gherrar qu'il a tort de se meler d'une querelle qui le conduira a sa perte: comment, lui qui a eu tant a se plaindre d'un homme aussi feroce que Djezzar, peut-il exposer la fortune et la vie de ses paysans pour un homme aussi peu fait pour avoir des amis? que sous peu de jours Acre sera pris, et Djezzar puni de tous ses forfaits, et qu'alors il regrettera, peut-etre trop tard, de ne pas s'etre conduit avec plus de sagesse et de politique. Si cette lettre est nulle, elle ne peut, dans aucun cas, faire un mauvais effet. Votre bataille est fort bonne; cela ne laisse pas de beaucoup degouter cette canaille, et j'espere que si vous les revoyez, vous pourrez trouver moyen d'avoir leurs pieces. Est-il bien sur que le pont, qui est plus bas que le lac Tabarieh, soit detruit? Les habitans du pays, dans les differens renseignemens qu'ils me donnent, me parlent toujours de ce pont comme si les renforts pouvaient venir par la, et des lors comme s'il n'etait pas detruit. Le mont Thabor est temoin de vos exploits. Si ces gens-la tiennent un peu, et que vous ayez une affaire un peu chaude, cela vous vaudra les clefs de Damas. Si dans les differens mouvemens qui peuvent se presenter, vous trouvez moyen de vous mettre entre eux et le Jourdain, il ne faudrait pas etre retenu par l'idee que cela les ferait marcher sur nous. Nous nous tenons sur nos gardes, nous en serions bien vite prevenus, et nous irions a leur rencontre; mais alors il faudrait que vous les poursuivissiez en queue assez vivement. Mais je sens que ces gens-la ne sont pas assez resolus pour cela. Si cela arrivait, ils s'eparpilleraient tout bonnement en route. J'ai envoye, il y a trois jours, a Saffet un homme qui est depuis Jaffa avec nous, pour avoir une conference avec Ibrahim-Bey, et doit etre de retour demain, et, si la cavalerie qui est devant Saffet l'a empeche de remplir sa mission, je vous l'enverrai: il sera plus a portee de la remplir de chez vous. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 25 germinal an 7 (14 avril 1799). _Au general Marmont._ J'imagine qu'a l'heure qu'il est, citoyen general, vous aurez approvisionne le fort de Raschid de mortiers avec de bonnes pieces a cinq cents coups au moins. J'ai recu votre lettre du 8 germinal, et j'ai appris avec plaisir que _le Pluvier_ s'etait sauve a Alexandrie: il doit avoir douze cents quintaux de riz a son bord; vous pouvez vous en servir pour augmenter vos approvisionnemens. Recrutez et completez les quatre bataillons qui sont sous vos ordres, ainsi que la legion nautique. Les recrues que vous nous avez envoyees d'Alexandrie se sont sauvees a la premiere affaire, ont tenu bon a la seconde., et se battent aujourd'hui tous les jours a la tranchee avec le plus grand courage. Le general Junot s'est couvert de gloire le 19, au combat de Nazareth; avec trois cents hommes de la deuxieme d'infanterie legere, il a battu quatre mille hommes de cavalerie; il a pris cinq drapeaux et tue ou blesse pres de six cents hommes: c'est une des affaires brillantes de la guerre. Notre siege avance: nous avons une galerie de mine qui deja depasse la contrescarpe, chemine sous le fosse a trente pieds sous terre, et n'est plus qu'a dix-huit pieds du rempart. Sur le front d'attaque, nous avons deux batteries a soixante toises, et quatre a cent toises, pour contrebattre les flancs. Depuis quinze jours nous ne tirons pas un seul boulet: l'ennemi tire comme un enrage; nous nous contentons de ramasser humblement ses boulets, de les payer vingt sous et de les entasser au parc, ou il y en a deja pres de quatre mille. Vous voyez qu'il y a de quoi faire un beau feu pendant vingt-quatre heures, et faire une bonne breche. J'attends, pour donner le signal, que le mineur puisse faire sauter la contrescarpe a l'extremite d'une double sape, qui marche droit a une tour. Nous sommes encore a huit toises de la contrescarpe: c'est l'histoire de deux nuits. L'ennemi nous a tire trois ou quatre mille bombes; il y a dans la place beaucoup d'Anglais et d'emigres francais: vous sentez que nous brulons d'y entrer: il y a a parier que ce sera le 1er floreal: le siege, a defaut d'artillerie et vu l'immense quantite de celle de l'ennemi, est une des operations qui caracterisent le plus la constance et la bravoure de nos troupes: l'ennemi tire ses bombes avec une grande precision. Jusqu'a cette heure, ce siege nous coute soixante hommes tues et trente blesses. L'adjoint Mailly, les adjudans-generaux Lescale et Hacigue sont du nombre des premiers. Le general Caffarelli, mon aide-de-camp Duroc, Eugene, l'adjudant-general Valentin, les officiers de genie Sanson, Say et Souhait sont du nombre des blesses; on a ete oblige d'amputer le bras du general Caffarelli: sa, blessure va bien. Damas n'attend que la nouvelle de la prise d'Acre pour se soumettre. Je serai dans le courant de mai de retour en Egypte: profitez des batimens de transport qui partiraient, ou expediez-en un pour donner de nos nouvelles en France. Vous avez du recevoir la relation de Jaffa, qui a ete imprimee. Approvisionnez-vous, et que vos soins ne se bornent pas a Alexandrie; songez que cela n'est rien si le fort de Raschid n'est pas en etat de faire une bonne resistance; il faut qu'il y ait un bon massif de terre, des mortiers, des obusiers, des canons approvisionnes a six cents coups par piece. Apres avoir fortifie votre arrondissement, vous aurez la gloire de le defendre cet ete: je vous repete ce que je vous ai dit dans ma lettre du 21 pluviose, de me faire faire une bonne carte de votre arrondissement, en y comprenant une partie du lac Bourlos: vous savez combien cela est necessaire dans les operations militaires. Faites connaitre dans votre arrondissement que j'ai revetu le fils de Daher, et que je l'ai reconnu le scheick de Saffet et du pachalic d'Acre. Nous pourrions bien aujourd'hui donner un million si nous avions ici les pieces de siege embarquees a Alexandrie. Si les Anglais laissent la sortie un peu libre, vous pourriez envoyer un petit batiment a Jaffa pour me porter de vos nouvelles et pour en recevoir des notres; il faudrait qu'il fut assez petit pour pouvoir aller a Damiette ou sur le lac Bourlos. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 25 germinal an 7 (14 avril 1799). _Au commandant de Jaffa._ Je vous envoie, citoyen commandant, un nouveau convoi par terre, pour prendre les pieces et les munitions de guerre qui se trouvent a Jaffa. Faites filer par mer sur des bateaux a Tentoura tout ce que le convoi ne pourra pas porter. Faites l'inspection des differens magasins, et veillez a ce que les garde-magasins soient en regle, a ce que les hopitaux soient tenus proprement et qu'on y trouve tous les secours que permettent les circonstances. BONAPARTE. Au mont Thabor, le 29 germinal an 7 (18 avril 1799). _Au general Ganteaume._ Je recois a l'instant la lettre par laquelle vous m'annoncez l'arrivee du contre-amiral Perree a Jaffa; vous lui enverrez sur-le-champ l'ordre 1 deg.. de rembarquer deux pieces de 18 avec la moitie des boulets de 12, qu'en consequence de votre ordre il avait laisses a Jaffa. 2 deg.. De remplacer les pieces de 18, qu'il se trouve avoir laissees a Jaffa, par un pareil nombre de pieces de 12, qu'il prendrait sur _la Courageuse_. Si _l'Etoile_ etait arrivee, il pourrait prendre les pieces de 18 de _l'Etoile_, pour se completer. Si la grosse mer s'opposait a tous ses mouvemens, et lui faisait perdre trop de temps, vous lui ferez sentir que, dans sa position, il faut qu'il calcule avant tout le temps. 3 deg.. Laissez le contre-amiral Perree maitre de se porter soit sur Candie, soit sur Chypre, afin de pouvoir reparaitre du 6 an 10 du mois prochain, soit sur Jaffa, soit sur Sour. La place d'Acre sera prise alors, et je l'expedierai en Europe avec une mission particuliere. Pour peu que le contre-amiral Perree soit poursuivi par l'ennemi, vous le laisserez maitre de se refugier soit a Alexandrie, soit dans un port d'Europe; dans ce dernier cas, vous lui ferez connaitre que j'attends de lui qu'il ne tarde pas a nous amener des fusils, des sabres et quelques renforts, ne fut-ce que quelques centaines d'hommes. Il pourra diriger sa marche sur Damiette, sur Jaffa, sur Saint-Jean d'Acre ou sur Sour, et, s'il avait plus de quinze cents hommes, il pourrait meme les debarquer a Derne. Faites-lui sentir cependant que je compte assez sur son zele et sur ses talens pour esperer qu'il pourra croiser huit jours, faire beaucoup de mal aux Anglais, dont les vaisseaux marchands couvrent le Levant. Dans tous les cas, mon intention est que, avec ses trois fregates, il hasarde un de ses meilleurs avisos, en se dirigeant sur Sour. Vous connaissez-la position dans laquelle nous sommes, la situation de la cote; ajoutez-y tout ce que les connaissances de votre metier peuvent vous suggerer. Le contre-amiral Perree est autorise a prendre tous les gros batimens turcs. Si les vents le poussaient du cote de Tripoli, de Syrie, faites-lui connaitre que les Anglais recoivent leurs vivres et leurs munitions de ce cote, et qu'il pourrait leur intercepter quelque convoi. En tout cas, j'imagine que vous lui direz de porter toujours pavillon anglais et de se tenir fort loin des cotes. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au citoyen Fourier, commissaire pres le divan._ J'ai recu, citoyen, vos differentes lettres. Je vous autorise a correspondre avec l'Institut national, pour lui temoigner au nom de l'Institut d'Egypte le desir, qu'il a de recevoir promptement les differentes commissions a faire, et l'empressement que l'Institut d'Egypte mettra a y repondre. Faites connaitre au divan du Caire les succes que nous avons eus contre nos ennemis, la protection que j'ai accordee a tous ceux qui se sont bien comportes, et les exemples severes que je fais des villes et des villages qui se sont mal conduits, entre autres celui de Djerme, habite par Gherrar, scheick de Naplouse. Annoncez au divan que lorsqu'il recevra cette lettre, Acre sera pris, et que je serai en route pour me rendre au Caire, ou j'ai autant d'impatience d'arriver que l'on en a de m'y voir. Un de mes premiers soins sera de rassembler l'Institut, et de voir si nous pouvons parvenir a avancer d'un pas les connaissances humaines. BONAPARTE Devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au general Desaix._ Je recois, citoyen general, a l'instant vos lettres depuis le 8 pluviose au 27 ventose. Je les ai lues avec tout l'interet qu'elles inspirent. Je vois surtout avec plaisir que vous vous disposez a vous emparer de Cosseir; sans ce point-la, vous ne serez jamais tranquille. La marine a encore dans ce point decu mes esperances. Je serai de retour en Egypte dans le courant du mois. Je compte etre maitre d'Acre dans six jours. Le general Dugua me mande qu'il vous a envoye tous les objets que vous avez demandes, je le lui recommande avec toutes les instances possibles. Nous avons eu affaire, a la bataille du Mont-Thabor, a pres de trente mille hommes: c'est a peu pres un contre dix. Les janissaires de Damas se battaient au moins aussi bien que les mameloucks; et les Arnautes, Maugrabins, Naplousins sont sans contredit les meilleures troupes de l'Europe. Au reste, par vos lettres je vois que nous n'avons rien a vous conter, que vous n'ayez a nous repondre. Assurez tous les braves qui sont sous vos ordres de l'empressement que je mettrai a recompenser leurs services et a les faire connaitre a la France entiere. Le contre-amiral Perree, avec _la Junon_, _l'Alceste_ et _la Courageuse_, nous a amene a Jaffa des pieces de siege, et est en ce moment derriere la flotte anglaise, lui enlevant ses avisos, batimens de transport, etc. Il fera des prises immenses, et nous enverra a Tyr, Jaffa et Acre, lorsque nous en serons maitres, de frequentes nouvelles de l'Europe. Vous avez appris, par le Caire, les dernieres nouvelles de France et d'Europe. Rien ne prouvait encore qu'il y eut la guerre. BONAPARTE. Au quartier-general devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au chef de l'etat-major general._ Le commandant de la croisiere anglaise devant Acre ayant eu la barbarie de faire embarquer, sur un batiment qui avait la peste, les prisonniers francais faits sur les deux tartanes chargees de munitions, qu'il a prises pres de Caiffa, dans la sortie qui a eu lieu le 18; les anglais ayant ete remarques a la tete des barbares, et le pavillon anglais ayant ete au meme instant arbore sur plusieurs tours de la place; la conduite feroce qu'ont tenue les assieges en coupant la tete a deux volontaires qui avaient ete tues, doit etre attribuee au commandant anglais; conduite si opposee aux honneurs que l'on a rendus aux officiers et soldats anglais trouves sur le champ de bataille, et aux soins que l'on a eus des blesses et des prisonniers. Les Anglais etant ceux qui defendent et approvisionnent Acre, la conduite horrible de Djezzar, qui a fait etrangler et jeter a l'eau, les mains liees, plus de deux cents chretiens, naturels du pays, parmi lesquels se trouvait le secretaire d'un consul francais, doit egalement etre attribuee a cet officier, puisque, par les circonstances, le pacha se trouve entierement sous sa dependance. Cet officier refusant d'ailleurs d'executer aucun des articles d'echange etabli entre les deux puissances; et ses propos dans toutes les communications qui ont eu lieu, ses demarches depuis qu'il est en croisiere etant celles d'un fou, mon intention est que vous donniez des ordres aux differens commandans de la cote pour qu'on cesse toute communication avec la flotte anglaise, actuellement en croisiere dans ces mers. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 2 floreal an 7 (21 avril 1799). _Au general Kleber._ J'ai recu, citoyen general, vos lettres des 29 germinal et 1er floreal. Nos mineurs sont depuis vingt-quatre heures sous la tour; demain ils commencent le travail pour les fourneaux: ils esperent le 4 faire sauter la tour. Nos pieces de 24 sont en chemin: nous les attendons le 4. Une seconde flottille, que j'avais fait preparer a Alexandrie, et qui etait en station au lac Bourlos, vient d'arriver. Une troisieme flottille, que j'avais fait preparer a Alexandrie, et qui etait en station a Damiette depuis un mois, vient de partir, chargee de grosses pieces et de mortiers. Tous ces moyens ne sont pas necessaires pour prendre Acre: la reussite d'un seul suffit. Si nous n'etions meme a regarder a vingt-quatre heures pres, les moyens que nous avons au parc seraient suffisans. Le citoyen Perree, qui, avec ses trois fregates, voltige a vingt et trente lieues d'Acre, a deja fait des prises, et il est probable que cette flottille s'enrichira et fera beaucoup de mal aux ennemis. M. Smith n'en sait encore rien; car il tire des boulets fort et ferme. Faites faire par votre officier du genie un croquis du cours du Jourdain depuis le pont d'Iacoub jusqu'a quatre lieues plus bas que celui de Medjame, avec la nature du terrain a une lieue sur l'une et l'autre rive. Ordonnez des reconnaissances a quatre lieues en avant de chaque pont, afin de bien reconnaitre la nature du terrain. Faites-moi faire une note par vos officiers de genie et d'artillerie sur le degre de defense dont seraient susceptibles les ponts d'Iacoub et de Medjame, les forts de Safit et de Tabarieh. BONAPARTE. An camp devant Acre, le 8 floreal an 7 (27 avril 1799). _Au meme._ La mine, citoyen general, a joue le 5; elle n'a point fait l'effet que les mineurs en attendaient: une partie de la muraille de terre s'est cependant ecroulee avec tous les decombres, ainsi que la plus grande partie des trois voutes; le fosse, a dix toises de chaque cote, a absolument disparu. Nous n'avons pu nous emparer d'une petite voute superieure, qui nous aurait mis a meme de nous emparer de toutes les maisons de gauche, et nous aurait donne l'entree dans la place. Plusieurs barils de poudre enflammes que l'ennemi a jetes dans la breche, ont beaucoup effraye les trente grenadiers qui etaient deja parvenus a se loger. Nous avons canonne toute la journee du 6. Nous avons eu dans le centre de la tour, pendant toute la journee du 6 au 7, vingt hommes de loges; ils n'ont pas pu parvenir a se loger a l'endroit convenable, et nous avons du abandonner le logement qu'ils s'etaient fait, avant le jour. Hier et aujourd'hui nous canonnons. Nos boyaux vont jusqu'au pied de la breche, de sorte que l'on arrive a couvert jusque dans l'interieur de la tour. Nos pieces de 18 et de 24 arrivent demain ou apres demain. Les munitions qui nous sont arrivees hier de Damiette, nous mettent a meme de continuer notre feu. L'ennemi ne tire plus que des bombes, hormis M. Smith, qui ne nous laisse pas de repos, meme la nuit, et ne produit d'autre mal que de ruiner notre caisse. Ou dit que le corps des Dilettis s'est porte a huit lieues en avant de Damas, en forme d'avant-garde, et que leur peur commence a passer. Faites votre possible pour approvisionner et ameliorer nos tetes de ponts. Les Naplousins paraissent vouloir bien se conduire. Gherar a repondu a la lettre que je lui avais ecrite. Le general Damas est arrive a Damiette. L'Egypte est parfaitement tranquille. Le general Caffarelli est mort. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floreal an 7 (2 mai 1799). _Au citoyen Bart, commandant a Jaffa._ Tous les savons qui se trouvaient dans la savonnerie de Sedon-Harau doivent rester au profit de la republique. Je compte sur votre zele pour nous faire passer le plus tot possible la poudre dont nous avons le plus grand besoin. Veillez, je vous prie, a ce qu'on ne dilapide pas nos magasins. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floreal an 7 (2 mai 1799). _Au general Junot._ Vous pouvez assurer, citoyen general, le scheick Saleh-Daher que mon intention est de le nommer scheick de Said, place qui, par son importance, est au-dessus de Scheffamme. Qu'il tache de rassembler le plus de monde possible, afin de pouvoir se maintenir dans ce poste, que je ne tarderai pas a lui mettre entre les mains. Faites-moi passer toutes les nouvelles que vous pourrez avoir de Damas. Nos pieces de 18 et de 24 sont arrivees. Nous esperons sous peu de jours, malgre la grande obstination des assieges, entrer dans Acre. Le feu de leur artillerie est entierement eteint. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floreal an 7 (2 mai 1799). _Au general Kleber._ J'envoie tous les ingenieurs geographes qui sont au camp, pour prendre le croquis du pays. Vous sentez combien il est essentiel de leur repartir la besogne, afin que j'aie le plus tot possible un canevas du pays. Nos pieces de 18 jouent depuis deux jours. La tour n'est plus qu'une ruine; le flanc qui s'opposait au passage du fosse est ruine. L'ennemi n'a plus qu'un seul canon qui tire; sentant qu'il ne peut plus defendre ses murailles, il a couronne ses glacis par des boyaux, ou il est protege par la mousqueterie de la place, et empeche l'abord des differentes breches: cela nous engage dans des affaires penibles. Une compagnie de grenadiers avait canonne hier la breche; ils sortirent de leurs boyaux avec tant d'impetuosite, qu'il fallut passer tout la soiree a les faire rentrer dans la place. Ils ont perdu beaucoup de monde; nous avons eu trente blesses et douze a quinze tues, parmi lesquels le chef de la quatre-vingt-cinquieme, qui etait de tranchee. Apres-demain nous placons nos pieces de 24 pour faire une breche, et des l'instant qu'elle sera praticable, nous donnons un assaut general et en masse. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floreal an 7 (2 mai 1799). _Au commandant du genie._ Je vous prie, citoyen commandant, d'envoyer les citoyens Jacotin et Favier, ingenieurs-geographes, pour lever a la main le cours du Jourdain et les differentes gorges qui y aboutissent, ainsi que la position du general Kleber. Ils se rendront aujourd'hui au camp de ce general. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floreal an 7 (2 mai 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Je vous envoie, citoyen ordonnateur, un ordre au payeur de tenir en Egypte cent mille francs a votre disposition. Il fera escompter sur cette somme tout ce que l'ordonnateur charge du service aura depense. Faites activer le plus qu'il vous sera possible l'evacuation de vos blesses et de vos malades sur Damiette. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floreal an 7 (2 mai 1799). _Au meme._ Donnez, citoyen ordonnateur, au citoyen Desgenettes, une ordonnance de 2,000 francs sur le Caire. J'ai ecrit a Paris, pour qu'il soit paye la meme somme a la femme du citoyen Larrey. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 20 floreal an 7 (9 mai 1799). _Au contre-amiral Perree._ Le contre-amiral Ganteaume vous fait connaitre, citoyen general, ce que vous avez a faire pour enlever quatre a cinq cents blesses que je fais transporter a Tentoura, et qu'il est indispensable que vous transportiez a Alexandrie et a Damiette: vous vaincrez, par votre intelligence, vos connaissances nautiques et votre zele, tous les obstacles que vous pourriez rencontrer; vous et vos equipages acquerrez plus de gloire par cette action que par le combat le plus brillant: jamais croisiere n'aura ete plus utile que la votre, et jamais fregates n'auront rendu un plus grand service a la republique. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 21 floreal an 7 (10 mai 1799). _Au Directoire executif._ Je vous ai fait connaitre qu'Achmet Djezzar, pacha d'Acre, de Tripoli et de Damas, avait ete nomme pacha d'Egypte, qu'il avait reuni un corps d'armee, et avait porte son avant-garde a El-Arich, menacant le reste de l'Egypte d'une invasion prochaine; Que les batimens de transport turcs se reunissaient dans le port de Miri, menacant de se porter devant Alexandrie, dans la belle saison; que par les mouvemens qui existaient dans l'Arabie, on devait s'attendre que le nombre des gens d'Yambo qui avaient passe la mer Rouge, augmenterait au printemps. Vous avez vu, par ma derniere depeche, la rapidite avec laquelle l'armee a passe le desert, la prise d'El-Arich, de Gaza, de Jaffa, la dispersion de l'armee ennemie, qui a perdu ses magasins, une partie de ses chameaux, ses outres et ses equipages de campagne. Il restait encore deux mois avant la saison propre au debarquement, je resolus de poursuivre les debris de l'armee ennemie, et de nourrir pendant deux mois la guerre dans le coeur de la Syrie. _Affaire de Kakoun._ Le 25 ventose, a dix heures du matin, nous apercumes, au dela du village de Kakoun, l'armee ennemie, qui avait pris position sur nos flancs; sa gauche composee de gens de Naplouse, anciens Samaritains, etait appuyee a un mamelon d'un acces difficile; la cavalerie etait formee a droite. Le general Kleber se porta sur la cavalerie ennemie; le general Lannes attaqua la gauche; le general Murat deploya sa cavalerie au centre. Le general Lannes culbuta l'ennemi, tua beaucoup de monde, et le poursuivit pendant deux lieues dans les montagnes. Le general Kleber, apres une legere fusillade, mit en fuite la droite des ennemis, et les poursuivit vivement; ils prirent le chemin d'Acre. _Combat de Caiffa._ Le 27, a huit heures du soir, nous nous emparames de Caiffa; une escadre anglaise etait mouillee dans la rade. Quatre pieces d'artillerie de siege, que j'avais fait embarquer a Alexandrie sur quatre batimens de transport, furent prises a la hauteur de Caiffa par les Anglais. Plusieurs bateaux charges de bombes et de vivres echapperent et vinrent mouiller a Caiffa: les Anglais voulurent les enlever; le chef d'escadron Lambert les repoussa, leur blessa ou tua cent hommes, fit trente prisonniers, et s'empara d'une grosse chaloupe avec une caronade de trente-six. Nous n'avions plus a mettre en batterie devant Acre que notre equipage de campagne: nous battimes en breche une tour qui etait la partie la plus saillante de la ville; la mine manqua, la contrescarpe ne sauta pas. Le citoyen Mailly, adjoint a l'etat-major, qui se porta pour reconnaitre l'effet de la mine, fut tue. Vous verrez, par le journal du siege, que les 6, 10, 18, et 26 germinal, l'ennemi fit des sorties vives ou il fut repousse avec de grandes pertes par le general Vial. Que, le 12, nos mineurs firent sauter la contrescarpe, mais que la breche ne se trouva pas praticable. Le 11, le general Murat prit possession de Saffet, l'ancienne Bethulie. Les habitans montrent l'endroit ou Judith tua Holopherne. Le meme jour, le general Junot prit possession de Nazareth. _Combat de Nazareth._ Cependant une armee nombreuse s'etait mise en marche de Damas, elle passa le Jourdain le 17. L'avant-garde se battit toute la journee du 19 contre le general Junot qui, avec cinq cents hommes des deuxieme et dix-neuvieme demi-brigades, la mit en deroute, lui prit cinq drapeaux, et couvrit le champ de bataille de morts; combat celebre, et qui fait honneur au sang-froid francais. _Combat de Cana._ Le 20, le general Kleber partit du camp d'Acre, il marcha a l'ennemi, et le rencontre pres du village de Cana; il se forma en deux carres: apres s'etre canonne et fusille une partie de la journee, chacun rentra dans son camp. _Bataille du mont Thabor._ Le 22, l'ennemi deborda la droite du general Kleber, et se porta dans la plaine d'Esdrelon pour se joindre aux Naplousins. Le general Kleber se porta entre le Jourdain et l'ennemi, tourna le mont Thabor, et marcha toute la nuit du 26 au 27 pour l'attaquer de nuit. Il n'arriva en presence de l'ennemi qu'au jour; il forma sa division en bataillon carre: une nuee d'ennemis l'investit de tous cotes; il essuya toute la journee des charges de cavalerie: toutes furent repoussees avec la plus grande bravoure. La division Bon etait partie le 25 a midi du camp d'Acre, et se trouva le 27, a neuf heures du matin, sur les derrieres de l'ennemi qui occupait un immense champ de bataille. Jamais nous n'avions vu tant de cavalerie caracoler, charger, se mouvoir dans tous les sens; on ne se montra point, notre cavalerie enleva le camp ennemi qui etait a deux heures du champ de bataille. On prit plus de quatre cents chameaux et tous les bagages, specialement ceux des mameloucks. Les generaux Vial et Rampon, a la tete de leurs troupes formees en bataillons carres, marcherent dans differentes directions, de maniere a former, avec la division Kleber, les trois angles d'un triangle equilateral de deux mille toises de cote: l'ennemi etait au centre. Arrives a la portee du canon, ils se demasquerent: l'epouvante se mit dans les rangs ennemis; en un clin d'oeil, cette nuee de cavaliers s'ecoula en desordre, et gagna le Jourdain; l'infanterie gagna les hauteurs, la nuit la sauva. Le lendemain, je fis bruler les villages de Djenyn, Noures, Oualar, pour punir les Naplousins. Le general Kleber poursuivit les ennemis jusqu'au Jourdain. _Combat de Ssafet._ Cependant le general Murat etait parti le 23 du camp pour faire lever le siege de Ssafet, et enlever les magasins de Thabaryeh; il battit la colonne ennemie et s'empara de ses bagages. Ainsi, cette armee, qui s'etait annoncee avec tant de fracas, aussi nombreuse, disaient les gens du pays, _que les etoiles du ciel et les sables de la mer_, assemblage bizarre de fantassins et de cavaliers de toutes les couleurs et de tous les pays, repassa le Jourdain avec la plus grande precipitation, apres avoir laisse une grande quantite de morts sur le champ de bataille. Si l'on juge de son epouvante par la rapidite de sa fuite, jamais il n'y en eut de pareille. Vous verrez dans le journal du siege d'Acre, les differens travaux qui furent faits de part et d'autre pour le passage du fosse, et pour se loger dans la tour que l'on mina et contremina; Que, plusieurs pieces de vingt-quatre etant arrivees, on battit serieusement la ville en breche, que les 7, 10 et 13 floreal, l'ennemi fit des sorties, et fut vigoureusement repousse; Que, le 19 floreal, l'ennemi recut un renfort porte sur trente batimens de guerre turcs; Qu'il fit le meme jour quatre sorties; qu'il remplit nos boyaux de ses cadavres; Que nous nous logeames, apres un assaut extremement meurtrier, dans un des points les plus essentiels de la place. Aujourd'hui, nous sommes maitres des principaux points du rempart. L'ennemi a fait une seconde enceinte ayant pour point d'appui le chateau de Djezzar. Il nous resterait a cheminer dans la ville; il faudrait ouvrir la tranchee devant chaque maison, et perdre plus de monde que je ne le veux faire. La saison d'ailleurs est trop avancee; le but que je m'etais propose se trouve rempli; l'Egypte m'appelle. Je fais placer une batterie de vingt-quatre pour raser le palais de Djezzar, et les principaux monumens de la ville; je fais jeter un millier de bombes qui, dans un endroit aussi resserre, doivent faire un mal considerable. Ayant reduit Acre en un monceau de pierres, je repasserai le desert, pret a recevoir l'armee europeenne ou turcque, qui, en messidor ou thermidor, voudrait debarquer en Egypte. Je vous enverrai du Caire une relation des victoires que le general Desaix a remportees dans la Haute-Egypte; il a deja detruit plusieurs fois les gens arrives d'Arabie, et dissipe presque entierement les mameloucks. Dans toutes ces affaires, un bon nombre de braves sont morts, a la tete desquels les generaux Caffarelli et Rambaud: un grand nombre sont blesses; parmi ces derniers, les generaux Bon et Lannes. J'ai eu, depuis mon passage du desert, cinq cents hommes tues, et le double de blesses. L'ennemi a perdu plus de quinze mille hommes. Je vous demande le grade de general de division pour le general Lannes, et le grade de general de brigade pour le citoyen Sougis, chef de brigade d'artillerie. J'ai donne de l'avancement aux officiers, dont je vous enverrai l'etat. Je vous ferai connaitre les traits de courage qui ont distingue un grand nombre de braves. J'ai ete parfaitement content de l'armee: dans des evenemens, et dans un genre de guerre si nouveaux pour des Europeens, elle fait voir que le vrai courage et les talens guerriers ne s'etonnent de rien, et ne se rebutent d'aucun genre de privation. Le resultat sera, nous l'esperons, une paix avantageuse, un accroissement de gloire et de prosperite pour la republique. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 22 floreal an 7 (11 mai 1799). _Au general d'artillerie Dommartin._ Je desire, citoyen general, que vous preniez vos mesures de maniere a avoir quarante coups a mitraille par piece de 24, a tirer dans le cas ou l'ennemi voudrait faire des sorties, et dix a boulets; trente coups de 18 par piece a mitraille et dix a boulets; quarante coups a mitraille par piece de 12, et dix a boulets. Vous reserverez egalement vos bombes pour les jeter au moment ou l'ennemi se reunirait pour faire des sorties: vous pouvez mettre la moitie de la charge ordinaire. BONAPARTE. Au quartier-general devant Acre, le 27 floreal an 7 (16 mai 1799). _Bonaparte, general en chef, a l'armee._ Soldats, Vous avez traverse le desert qui separe l'Afrique de l'Asie avec plus de rapidite qu'une armee Arabe. L'armee qui etait en marche pour envahir l'Egypte est detruite; vous avez pris son general, son equipage de campagne, ses bagages, ses outres, ses chameaux. Vous vous etes empares de toutes les places fortes qui defendent les puits du desert. Vous avez disperse, aux champs du Mont-Thabor, cette nuee d'hommes accourus de toutes les parties de l'Asie, dans l'espoir de piller l'Egypte. Les trente vaisseaux que vous avez vus arriver dans Acre, il y a douze jours, portaient l'armee qui devait assieger Alexandrie; mais obligee d'accourir a Acre, elle y a fini ses destins: une partie de ses drapeaux orneront votre entree en Egypte. Enfin, apres avoir, avec une poignee d'hommes, nourri la guerre pendant trois mois dans le coeur de la Syrie, pris quarante pieces de campagne, cinquante drapeaux, fait six mille prisonniers, rase les fortifications de Gaza, Jaffa, Caiffa, Acre, nous allons rentrer en Egypte: la saison des debarquemens m'y rappelle. Encore quelques jours, et vous aviez l'espoir de prendre le pacha meme au milieu de son palais; mais, dans cette saison, la prise du chateau d'Acre ne vaut pas la perte de quelques jours: les braves que je devrais d'ailleurs y perdre sont aujourd'hui necessaires pour des operations plus essentielles. Soldats, nous avons une carriere de fatigues et de dangers a courir. Apres avoir mis l'orient hors d'etat de rien faire contre nous cette campagne, il nous faudra peut-etre repousser les efforts d'une partie de l'occident. Vous y trouverez une nouvelle occasion de gloire; et si, au milieu de tant de combats, chaque jour est marque par la mort d'un brave, il faut que de nouveaux braves se forment, et prennent rang a leur tour parmi ce petit nombre qui donne l'elan dans les dangers, et maitrise la victoire. BONAPARTE. Au camp devant Saint-Jean d'Acre, le 27 floreal an 7 (16 mai 1799). _Au general Dugua._ Vous devez avoir recu, citoyen general, le bataillon de la quatrieme legere, que j'ai fait partir, il y a quinze jours, et qui, a cette heure, doit etre arrive au Caire. Sous trois jours je partirai avec toute l'armee pour me rendre au Caire: ce qui me retarde, c'est l'evacuation des blesses, j'en ai six a sept cents. Je me suis empare des principaux points de l'enceinte d'Acre: nous n'avons pas juge a propos de nous obstiner a assieger la deuxieme enceinte, il eut fallu perdre trop de temps et trop de monde. Djezzar a recu, il y a deux jours, une flotte de trente gros batimens grecs et cinq a six mille hommes de renfort: cette expedition etait destinee pour Alexandrie. Perree a pris deux de ces batimens, dans lesquels etaient les canonniers, les bombardiers et mineurs, ainsi que plusieurs pieces de canon. Prenez des mesures pour que la navigation de Damiette au Caire soit sure et que les blesses puissent filer rapidement dans les hopitaux du Caire. Si le citoyen Cretin est au Caire, et que vous ayez une escorte suffisante a lui donner, faites-lui connaitre que je desire qu'il vienne a ma rencontre a El-Arich, afin que nous puissions arreter ensemble les travaux a faire au fort, a Catieh et a Salahieh. Consultez-vous avec Rouviere pour faire filer deux pieces de 12 et de 18, pour rearmer _l'Etoile_ et _le Sans-Quartier_, dont les pieces ont ete envoyees au siege et sont cassees. Vous sentez combien il est essentiel que la bouche de Damiette soit bien gardee. Dans les quinze premiers jours du mois prochain, je compte etre bien pres du Caire. Bon est blesse; Lannes ne l'est que legerement: mon aide-camp Duroc, qui avait ete blesse, est gueri. Venture est mort de maladie. Je vous amenerai beaucoup de prisonniers et de drapeaux. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floreal an 7 (16 mai 1799). _Au divan du-Caire._ Enfin, j'ai a vous annoncer mon depart de la Syrie pour le Caire, ou il me tarde d'arriver promptement. Je partirai dans trois jours, et j'arriverai dans quinze; j'amenerai avec moi beaucoup de prisonniers et de drapeaux. J'ai rase le palais de Djezzar, les remparts d'Acre, et bombarde la ville, de maniere qu'il ne reste pas pierre sur pierre. Tous les habitans ont evacue la ville par mer. Djezzar est blesse et retire avec ses gens dans un des forts du cote de la mer; il est grievement blesse. De trente batimens charges de troupes, qui sont venus a son secours, trois ont ete pris avec l'artillerie qu'ils portaient, par mes fregates; le reste est dans le plus mauvais etat, et entierement detruit. Je suis d'autant plus impatient de vous voir et d'arriver au Caire, que je sais que, malgre votre zele, un grand nombre de mechans cherchent a troubler la tranquillite publique. Tout cela disparaitra a mon arrivee, comme les nuages aux premiers rayons du soleil. Venture est mort de maladie: sa perte m'a ete tres-sensible. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floreal an 7 (16 mai 1799). _A l'adjudant-general Almeyras._ On va evacuer le plus de blesses possible sur Damiette; si les communications sont libres, faites-les filer sur-le-champ au Caire ou ils trouveront plus de commodites. Il y en aura quatre a cinq cents. Ecrivez a Alexandrie pour qu'on vous remplace les pieces et la poudre que vous avez envoyees a Acre. Vous sentez combien il est necessaire que Lesbeh soit dans un etat de defense respectable. Demandez tout ce qui est necessaire pour approvisionner vos pieces a cent coups. Demandez aussi deux pieces de 12 et de 13 pour rearmer _l'Etoile_ et _le Sans-Quartier_. Il est necessaire d'avoir le plus de batimens possible a l'embouchure du Nil. Nous nous sommes empares de la premiere enceinte d'Acre; nous avons rase le palais de Djezzar et ecrase la ville avec des bombes. Les habitans se sont tous sauves, Djezzar lui-meme a ete blesse. L'armement de Chypre, dont vous me parlez, est effectivement arrive ici; il avait cinq mille hommes de debarquement: presque tous ont ete tues ou blesses dans les differentes affaires du siege. Ne negligez aucun moyen pour terminer les fortifications de Lesbeh et pour vous approvisionner, reorganisez votre flottille, tant sur le lac Menzaleh que sur le Nil. Dans trois ou quatre jours, je partirai pour le Caire; il sera possible qu'arrive a Catieh, je passe par Damiette. Il sera necessaire d'avoir a Omm-Faredge une certaine quantite de barques pretes pour les malades ou blesses que nous pourrions avoir avec nous. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floreal an 7 (16 mai 1799). _A l'adjudant-general Leturc._ Faites filer, citoyen, demain matin, quatre cents blesses sur Tentoura. L'adjudant-general Boyer me mande qu'il en a fait partir aujourd'hui quatre cents par terre et cent cinquante par mer. Vous me mandez que vous n'en avez fait partir aujourd'hui que cent. Ainsi, il serait possible que les fregates se presentassent et qu'il n'y eut pas de blesses, ce qui serait un contre-temps facheux: ne perdez donc pas un moment. Faites en sorte que, demain a midi, j'aie un etat des blesses a Caiffa et au mont Carmel. Les malades devront etre aussi evacues, mais separement. Il est necessaire que, le 29 au soir, il ne reste pas un seul malade ni blesse a Caiffa ou au mont Carmel. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floreal an 7 (16 mai 1799). _A l'adjudant-general Boyer._ Faite filer les blesses sur Jaffa ou sur les fregates. L'adjudant-general Leturc, qui est a Caiffa, vous enverra demain un grand convoi. Faites en sorte que le 30 au matin, il n'y ait a Tentoura, ni malades ni blesses. Deux cents malades vont etre evacues demain a Tentoura, venant de mont Carmel, faites-les evacuer de suite sur Jaffa. Faites embarquer, autant qu'il vous sera possible, l'artillerie qui vous a ete envoyee a Jaffa, sans cependant faire tort aux malades. Faites en sorte que, demain au soir, j'aie un etat exact des blesses evacues et de ce qui reste. Faites connaitre aux blesses que l'ennemi a voulu faire une sortie, qu'il a perdu quatre cents hommes, et qu'on a pris neuf drapeaux. BONAPARTE. [1]Au camp devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au citoyen Poussielgue._ J'ai recu vos differentes lettres. Vous aurez appris par Damiette le succes des combats de Nazareth, Saffet, Cana et du mont Thabor; le nombre des ennemis etait immense. Nous avons deja ici, au camp d'Acre, assez d'artillerie pour prendre cette place; nous attendons encore les cinq pieces de 24 et les pieces de 18 et de 12 que le contre-amiral Perree a debarquees a Jaffa, et qui seront ici dans trois jours. Vous pouvez calculer que le 5 ou le 6 floreal Acre sera pris: je partirai immediatement pour me rendre au Caire. Je vous prie de faire meubler mes nouvelles salles. Comme je serai au Caire dix ou quinze jours apres la reception de mes lettres, je crois inutile de repondre en detail aux differens articles de vos depeches. BONAPARTE. [Footnote 1: Cette lettre, ainsi que la suivante, furent ecrites au commencement du siege.] Au camp devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au general Dugua._ J'ai recu, citoyen general, vos differentes lettres jusqu'au 8 germinal. Acre sera pris le 6 floreal, et je partirai sur-le-champ pour me rendre au Caire. La conduite de l'emir Hadji est bien extravagante; mais l'idee que vous avez qu'il pourrait tramer quelque chose de redoutable, est, je vous assure, bien mal fondee; croyez, je vous prie, qu'avant de lui faire jouer un certain role, je me suis assure qu'il etait peu dangereux; aucune habitude guerriere, point de relations, encore moins d'audace, c'est un ennemi tres-peu redoutable. Je ne reponds pas en detail a vos lettres, parce que je serai bientot de retour. Vous pouvez incorporer dans les differens corps qui sont dans la Basse-Egypte les mameloucks qui n'auraient pas plus de vingt ans. Je suis extremement mecontent de la scene scandaleuse du commandant de la place: je lui envoie l'ordre de l'etat-major de se rendre dans la Haute-Egypte sous les ordres du general Desaix; vous vous chargerez en attendant de ce commandement: l'etat-major vous adressera l'ordre, afin que, si vous jugiez que son execution eut plus d'inconveniens que d'avantage, vous la differassiez jusqu'a mon arrivee. BONAPARTE. A Jaffa, le 8 prairial an 7 (17 mai 1799). _Au Directoire executif._ Je vous ai fait connaitre par le courrier que je vous ai expedie le 21 floreal, les evenemens glorieux pour la republique qui se sont passes depuis trois mois en Syrie, et la resolution ou j'etais de repasser promptement le desert pour me retrouver en Egypte avant le mois de juin. Les batteries de mortiers de 24 furent etablies comme je vous l'ai annonce dans la journee du 23 floreal, pour raser le palais de Djezzar et detruire les principaux monumens d'Acre: elles jouerent pendant soixante-douze heures, et remplirent l'effet que je m'etais propose: le feu fut constamment dans la ville. La garnison desesperee fit une sortie le 27 floreal: le general de brigade Verdier etait de tranchee; le combat dura trois heures. Le reste des troupes arrivees le 19 de Constantinople, et exercees a l'europeenne, deboucherent sur nos tranchees en colonnes serrees; nous repliames les postes que nous occupions sur les remparts: par la les batteries de pieces de campagne purent tirer a mitraille a quatre-vingts toises sur les ennemis. Pres de la moitie resta sur-le-champ de bataille: alors nos troupes battirent la charge dans nos tranchees; on poursuivit l'ennemi jusque dans la ville la baionnette dans les reins; on leur prit dix-huit drapeaux. L'occasion paraissait favorable pour emporter la ville; mais nos espions, les deserteurs et les prisonniers, s'accordaient tous dans le rapport que la peste faisait d'horribles ravages dans la ville d'Acre; que tous les jours, plus de soixante personnes en mouraient; que les symptomes en etaient terribles: qu'en trente-six heures on etait emporte au milieu de convulsions pareilles a celles de la rage. Repandu dans la ville, il eut ete impossible d'empecher le soldat de la piller; il aurait rapporte le soir dans le camp les germes de ce terrible fleau; plus a redouter que toutes les armees du monde. L'armee partit d'Acre le 1er prairial, et arriva le soir a Tentoura. Elle campa le 3 sur les ruines de Cesaree, au milieu des debris des colonnes de marbre et de granit, qui annoncent ce que devait etre autrefois cette ville. Nous sommes arrives a Jaffa le 5. Depuis deux jours, des detachemens filent pour l'Egypte. Je resterai encore quelques jours a Jaffa, pour en faire sauter les fortifications; j'irai punir ensuite quelques cantons qui se sont mal conduits, et dans quelques jours je passerai le desert en laissant une forte garnison a El-Arich. Ma premiere depeche sera datee du Caire. BONAPARTE. A Salahieh, le 21 prairial an 7 (9 juin 1799). _Au general Marmont._ Nous voici, citoyen general, arrives a Salahieh. J'ai laisse au fort d'El-Arich dix pieces de canon et cinq a six cents hommes de garnison, autant a Catieh. Kleber doit etre arrive a Damiette. L'armee qui devait se presenter devant Alexandrie, et qui etait partie de Constantinople le 1er rhamadan, a ete detruite sous Acre. Si cependant cet extravagant commandant anglais en faisait embarquer les restes pour se presenter a Aboukir, je ne compte pas que cela puisse faire plus de deux mille hommes. Dans ce cas, faites en sorte de leur donner une bonne lecon. Le commandant anglais prendra toute espece de moyens pour se mettre en communication avec la garnison. Prenez les mesures les plus severes pour l'en empecher. Ne recevez que tres-peu de parlementaires et tres au large. Ils ne font que repandre des nouvelles ridicules pour les gens senses, et qu'il vaut tout autant qu'on ne donne pas. Surtout, quelque chose qui arrive, ne repondez pas par ecrit. Vous aurez vu par mon ordre du jour que l'on ne doit a ce capitaine de brulots que du mepris. Quand vous aurez recu cette lettre, je serai au Caire. Le general Bon et Croizier sont morts de leurs blessures. Lannes et Duroc se portent bien. Armez donc le fort de Rosette de maniere qu'il y ait huit ou dix mille coups de canon a tirer. BONAPARTE. A Salahieh, le 21 prairial an 7 (9 juin 1799). _Au general Dugua._ L'etat-major vous a ecrit hier, citoyen general, par un homme du pays, pour vous faire connaitre l'arrivee de toute l'armee a Salahieh. Nous avons assez bien traverse le desert. Le chateau d'El-Arich, qui est bien arme et en bon etat de defense, a cinq ou six cents hommes de garnison. J'en ai laisse autant a Catieh. Le commandant anglais qui a somme Damiette, est un extravagant. Comme il a ete toute sa vie capitaine de brulots, il ne connait ni les egards, ni le style que l'on doit prendre quand on est a la tete de quelques forces. L'armee combinee dont il parle a ete detruite devant Acre, ou elle est arrivee quinze jours avant notre depart, comme je vous en ai instruit par ma lettre du 27 floreal. Je partirai d'ici demain, et je serai probablement le 26 ou le 27 a Matarieh, ou je desire que vous veniez a la rencontre de l'armee avec toutes les troupes qui se trouvent au Caire, hormis ce qui est necessaire pour garder les forts. Vous amenerez avec vous le divan et tous les principaux du Caire, et vous ferez porter les drapeaux que je vous ai envoyes en differentes occasions, par autant de Turcs a cheval; il faut que ce soit des odjaklis: apres quoi nous rentrerons ensemble dans la ville. Quand vous serez a cent toises devant nous, vous vous mettrez en bataille, la cavalerie au centre, et l'infanterie sur les ailes; nous en ferons autant. Le general Kleber doit, a l'heure qu'il est, etre arrive a Damiette avec sa division. Gardez le bataillon de la vingt-unieme avec vous jusqu'a mon arrivee. Il me tarde beaucoup d'etre au Caire, pour pouvoir, de vive voix, vous temoigner ma satisfaction des services que vous avez rendus pendant mon absence. Je vous fais passer la relation que je vous ai envoyee par mon courrier Royer. Comme il y a fort long-temps qu'il est parti par mer, je ne sais pas s'il est arrive. Faites-la imprimer le plus tot possible, ainsi que celle que je vous ai envoyee de Jaffa, et dont je vous fais passer la copie. BONAPARTE. Au Caire, le 26 prairial an 7 (14 juin 1799). _Au general Davoust._ J'ai lu, citoyen general, avec interet, la relation que vous m'avez envoyee des evenemens qui se sont passes dans la Haute-Egypte, et j'approuve le parti que vous avez pris de vous rendre au Caire. Ce point etait d'une telle importance dans l'eloignement ou se trouvait l'armee, qu'il devait principalement fixer toutes les sollicitudes. BONAPARTE. Au Caire, le 26 prairial an 7 (14 juin 1799). _Au general Dommartin._ Il est indispensable, citoyen general, que vous partiez au plus tard, le 1er du mois prochain, pour vous rendre a Rosette et a Alexandrie, pour visiter par vous-meme les approvisionnemens de ces places, reformer les equipages de campagne et pourvoir a l'approvisionnement des autres places de l'Egypte. Faites partir demain au soir pour Alexandrie le citoyen Danthouard. Mon intention est qu'il y reste tout l'ete pour y commander l'artillerie, sous les ordres du citoyen Faultrier: il pourra etre porteur de vos dispositions. Vous connaissez mes intentions par rapport a Rosette, Rahmanieh, Salahieh, etc., et a la formation de l'equipage de campagne. Mon intention est d'etablir a Bourlac un fort, et provisoirement une batterie capable de defendre la passe de ce lac. Il faut donc que vous preniez des mesures pour y faire parvenir les pieces d'artillerie necessaires. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). _Au general Desaix._ Je suis arrive hier ici, citoyen general, avec une partie de l'armee. J'ai laisse une bonne garnison dans le fort d'El-Arich, qui est deja dans une situation respectable. Le general Kleber est a Damiette. Vous trouverez dans les relations imprimees le veritable recit des evenemens qui se sont passes. Il est necessaire que vous me fassiez une relation de tout ce qui s'est passe dans la Haute-Egypte depuis votre depart du Caire, afin que je puisse le faire connaitre. Je crois qu'il me manque de vos lettres, de sorte qu'il y a des lacunes. D'ailleurs, c'est un travail que personne ne peut bien faire que vous-meme. J'attends, d'ici a deux ou trois jours, la nouvelle que vous occupez Cosseir, ce qui me fera un tres-grand plaisir. Nous voici arrives a la saison ou les debarquemens deviennent possibles, je ne vais pas perdre une heure pour me mettre en mesure; les probabilites sont cependant que cette annee, il n'y en aura point. Je vous ecrirai plus au long dans trois jours, en vous envoyant un officier de l'etat-major. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Les fermiers des villages de l'Egypte solderont le prix de leur bail d'ici au 10 messidor. Ceux qui, au 30 germinal dernier, n'avaient pas solde les deux tiers du prix de leur bail, paieront cinq pour cent des sommes qu'ils etaient en retard de payer, et en outre du prix du bail. Ceux qui n'auront pas solde la totalite au 10 messidor paieront, en outre du prix du bail, dix pour cent des sommes dont ils seront debiteurs a cette epoque; passe le 10 messidor, il sera ajoute un pour cent pour chaque jour de retard sur les sommes qui resteront a payer. L'administrateur general des finances remettra au payeur general, d'ici au 1er du mois, l'etat de ce que chaque fermier doit, et de l'amende a laquelle il aura ete condamne en consequence des articles precedens. Les revenus des villages affermes, dont le prix du bail n'aura pas ete solde au 30 messidor, seront sequestres et percus au profit de la republique comme ceux des autres villages. Tout fermier qui, n'ayant pas paye les termes de son bail, sera cependant convaincu d'avoir percu les villages qui lui etaient affermes, sera et demeurera arrete, et ses biens seront sequestres jusqu'a ce qu'il se soit entierement acquitte. L'administration des domaines enverra, le 1er thermidor, aux directeurs dans les provinces l'etat des fermiers qui auront encouru la peine portee par l'article 5 ci-dessus. Le present arrete sera imprime en francais et en arabe. L'administrateur general des finances tiendra la main a son execution. BONAPARTE. An Caire, le 27 prairial an 7 (14 juin 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Un mois apres la publication du present arrete dans les provinces de l'Egypte, toutes proprietes dont les titres n'auront pas ete presentes a l'enregistrement, demeureront irrevocablement acquises a la republique, et il ne sera plus admis aucun titre de propriete a l'enregistrement. Tout proprietaire qui, au 30 messidor prochain, n'aura pas entierement acquitte le miri de ses proprietes pour l'an 1213, sera dechu, et ses proprietes seront confisquees au profit de la republique. Le present sera imprime en francais et en arabe. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Les juifs du Caire n'ayant pas satisfait a la contribution extraordinaire, paieront a titre de contribution extraordinaire une somme de 50,000 francs, qui sera versee dans la caisse du payeur general d'ici au 10 messidor. Il sera ajoute cinq pour cent, pour chaque jour de retard, aux somme qui n'auront pas ete payees a cette epoque. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Les femmes de Hassan-Bey-El-Geddaoni et de sa suite paieront une contribution de 10,000 talaris, a titre de rachat de leurs maisons et de leur mobilier. Ladite somme devra etre versee dans la caisse de l'administrateur des domaines d'ici au 10 messidor prochain, sous peine d'arrestation desdites femmes, et de confiscation de leurs maisons et de leurs meubles. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au general Dommartin._ Le bateau _le Nil_ que j'avais destine pour moi en cas que les evenemens m'eussent force de me rendre a Damiette, Rosette, ou dans la Haute-Egypte, est pret pour vous conduire a Rosette. Arrive a Rosette, vous le renverrez sur-le-champ avec le rapport que vous me ferez sur la situation de Rahmanieh, et de la defense de l'embouchure du Nil. Je vous prie de determiner pres d'Alkan, dans une position tres-favorable et pres d'un endroit ou les bateaux echouent ordinairement, l'emplacement d'une redoute, que trente ou quarante hommes devraient pouvoir defendre, mais qui en pourrait contenir un plus grand nombre; son but principal serait d'empecher les batimens qui viendraient de Rosette de remonter le Nil, et de bien prendre sous sa protection les batimens francais qui seraient poursuivis par les Arabes. Je me charge specialement de faire descendre ces differens bateaux a Rosette. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au general Destaing._ Arrive au premier village de la province de Bahireh, vous commencerez, citoyen general, par vous faire rendre compte de la levee des impositions, et de forcer les villages a payer: par ce moyen nous utiliserons votre passage. Arrive a Rahmanieh, vous me ferez passer, le plus tot possible, au Caire, la legion nautique. Vous ferez remettre a l'ingenieur des ponts et chaussees, qui est a Rahmanieh, les sommes qui lui ont ete prises pour les travaux du genie militaire, afin de le mettre a meme de commencer le travail du canal de Rahmanieh. Le general Marmont vous fera passer des ordres ulterieurs. Vous ferez passer a Alexandrie le resultat des impositions de la province: vous y ferez egalement passer tous les grains, bestiaux. Dans tous les evenemens qui pourraient survenir, vous suivrez les ordres du general Marmont qui commande les trois provinces. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au general Marmont._ Je donne ordre, citoyen general, au general Destaing de faire remettre a l'ingenieur des ponts et chaussees a Rahmanieh l'argent qui lui a ete pris pour le genie militaire. Voyez, je vous prie, a donner les ordres pour qu'on fasse a ce canal les travaux les plus urgens, afin qu'il soit navigable. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au meme._ Le general Destaing se rend, citoyen general, dans le Bahireh avec un bataillon de la soixante-unieme, un bataillon de la quatrieme s'y etant precedemment rendu de Menouf. Mon intention est que la legion nautique et la dix-neuvieme, qui se trouvent a Rosette, en partent sur-le-champ pour se rendre au Caire, et que le detachement de la vingt-cinquieme, qui est a Rosette, se rende a Damiette. Le general Dommartin part pour Alexandrie; mon intention est que tout l'equipage de campagne sans distinction, et la partie de l'equipage de siege qu'il jugera necessaire, se rendent sur-le-champ au Caire. Il est autorise a laisser a Alexandrie quatre pieces de campagne. Vous aurez recu plusieurs lettres que je vous ai ecrites de Jaffa et de Catieh. Tous les projets de l'ennemi ont ete tellement deconcertes par la campagne imprevue et prematuree de Syrie, que, s'ils tentent quelque chose, cela sera decouvert et facile a repousser. La province de Bahireh vous fournira de l'argent; nous sommes ici fort pauvres. Je ne concois pas comment un brick anglais, restant a croiser devant Alexandrie, se trouve maitre de la mer: pourquoi une fregate ou des bricks ne sortent-ils pas? Le citoyen Dumanoir a ete autorise a le faire. Je vous prie de m'envoyer au Caire l'agent divisionnaire qui a ete surpris vendant cent ardeps de ble, et le Francais qui les achetait. Faites venir au Caire tout l'argent provenant de la vente des effets de ces deux individus. Une grande quantite d'employes, d'officiers de sante se sont embarques pour France sans permission. Il me semble que cette police etait aisee a faire. Vous avez eu tort dans toutes les discussions d'autorite que vous avez eues. Le commissaire Michau se trouvait sous les ordres de l'ordonnateur Laigle, et, eut-il ete independant, la politique eut du vous engager a avoir des procedes differens, puisque tous les magasins de l'Egypte se trouvant a la disposition de l'ordonnateur Laigle, c'est peu connaitre les hommes, que de ne pas voir que c'etait vous priver des approvisionnemens que je desirais avoir dans une place comme Alexandrie. Sans cette discussion malentendue, vous auriez eu a Alexandrie quatre cent mille rations de biscuit de plus. L'ennemi se presentant devant Alexandrie ne descendra pas au milieu de la place: ainsi, vous auriez le temps de rappeler les detachemens que vous enverriez pour soutenir le general Destaing et lever les impositions. Vous n'avez rien a esperer que de nos provinces de Rosette et de Bahireh. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au citoyen Cretin._ Lorsque je vous ai confie, citoyen commandant, l'arme du genie, je n'ai pas eu pour seule consideration votre anciennete. Veuillez donc partir le plus tot possible pour Rosette. Vous pourrez profiter, pour venir au Caire, du bateau _le Nil_ qui part apres demain avec le general Dommartin; votre prompte arrivee au Caire est necessaire. En passant a Rahmanieh, visitez dans le plus grand detail les etablissemens. Ordonnez egalement une redoute sur la rive de l'embouchure du lac Madieh, du cote de Rosette. Mon but serait que l'ennemi ne put raisonnablement operer un debarquement entre le lac et le bogaz pour marcher sur Rosette, sans s'etre, au prealable, empare de cette redoute, tout comme il ne pourrait debarquer entre le lac et Alexandrie sans s'etre empare du fort d'Aboukir. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _A l'ordonnateur Leroy._ J'ai recu, citoyen ordonnateur, les differentes lettres que vous m'avez ecrites. Nous allons faire tout ce qui sera possible pour vous mettre a meme d'ameliorer le sort des marins, et activer les travaux que j'ai ordonnes. BONAPARTE. Au Caire, le 30 prairial an 7 (18 juin 1798). _Au general Dommartin._ J'approuve, citoyen general, toutes les mesures que vous proposez pour l'organisation de l'artillerie de campagne de l'armee. Faites-moi un projet de reglement par articles, pour l'artillerie des bataillons; vous y mettrez les masses telles que vous pensez que l'on doit les accorder aux corps. Les brigades de cavalerie etant faibles, une artillerie trop nombreuse ne fait que les embarrasser. Ainsi, je pense que deux pieces de 3, attachees a chaque brigade de cavalerie; seront suffisantes: la cavalerie est divisee en deux brigades. Je desirerais que vous organisassiez de suite l'artillerie des guides et les deux brigades de cavalerie, en donnant aux guides la piece de 5 du general Reynier et la piece de 5 de la cavalerie, et en donnant a la cavalerie la piece de 3 qu'a le general Lannes, la piece de 3 des guides, la piece de 3 qu'a le general Lanusse, et en laissant provisoirement une piece de 5, jusqu'a ce que vous la puissiez remplacer par une piece de 3 autrichienne. Il est necessaire que vous completiez l'approvisionnement de toutes ces pieces a trois cents coups. Il est egalement necessaire de commencer a donner a chaque division deux grosses pieces. Il faudrait approvisionner les pieces de 8 qu'ont les generaux Lannes et Reynier, la piece de 8 et l'obusier qu'a aujourd'hui le general Davoust; envoyer le plus tot possible a Kleber deux affuts de rechange, afin qu'il puisse se monter les deux pieces de 8; faire remplacer les pieces de 8 des generaux Lanusse et Fugieres par des pieces de 3 venitiennes, et les attacher aux divisions Lannes ou Rampon. Il est necessaire de distribuer les pieces de 3 ou de 4, de maniere que chaque division se trouve en avoir deux ou trois; et lorsqu'on donnera aux bataillons leurs pieces, on se trouvera en avoir dans chaque division pour les premiers bataillons des demi-brigades. Le general Kleber se trouve deja avoir trois petites pieces. La piece qui est a Belbeis peut etre attachee a la division Reynier. Il sera necessaire d'en procurer le plus tot possible aux divisions Lannes et Rampon. L'armee pourra attendre dans cette situation que vous ayez eu le temps de faire venir l'artillerie de Rosette, et de pouvoir donner a chaque division l'artillerie, comme vous le projetez. Donnez l'ordre que l'on ne distribue des fusils que par mon ordre: mon intention est de ne commencer a les distribuer que dans cinq ou six jours, et lorsque les corps seront reorganises. BONAPARTE. Au Caire, le 30 prairial an 7 (18 juin 1799). _Au general Desaix._ Le general Dugua me fait part, citoyen general, de vos dernieres lettres des 15 et 22 prairial. J'ai appris avec plaisir votre occupation de Cosseir. Je donne ordre qu'on vous envoie plusieurs officiers du genie, afin de diriger les travaux dans la Haute-Egypte, et specialement les ouvrages de Cosseir et du fort de Keneh. Nous sommes toujours sans nouvelles de France. Tout est parfaitement tranquille en Egypte. Il parait que les mameloucks refluent dans la Scharkieh et le Bahhireh: on va y mettre ordre. Vous etes fort riche. Soyez assez genereux pour nous envoyer 150,000 fr. Nous depensons de 2 a 300,000 fr. par mois pour les travaux d'El-Arich, Catieh, Salahieh, Damiette, Rosette, Alexandrie, etc. Faites, je vous prie, mon compliment au general Friant, au general Belliard et a votre adjudant-general, sur l'occupation de Cosseir. J'attends toujours une relation generale de toute votre campagne de la Haute-Egypte, avec une note de tous les officiers et soldats auxquels vous voulez donner de l'avancement. Croyez, je vous prie, que rien n'egale l'estime que j'ai pour vous, si ce n'est l'amitie que je vous porte. BONAPARTE. Au Caire, le 30 prairial an 7 (18 juin 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie de faire connaitre, citoyen administrateur, aux quatre principaux negocians damasquains, que je desire qu'ils me pretent chacun 30,000 liv. Vous leur donnerez a chacun une lettre de change de 30,000 livres, payable a la caisse du payeur de l'armee, le 15 thermidor: ces lettres de change seront acceptees par le payeur. Je desire que cet argent soit verse dans la journee de demain. Lorsque les Cophtes auront verse les 120,000 liv., vous leur ferez connaitre que mon intention n'est point qu'ils se payent de ces 120,000 livres sur les adjudications des villages, car alors ce serait comme s'ils ne nous avaient rien prete. Vous arrangerez avec eux la maniere dont ils devront etre payes, de sorte qu'ils le soient dans le courant de thermidor. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _Au general Dugua._ Faites fusiller, citoyen general, tous les Maugrabins, Mecquains, etc., venus de la Haute-Egypte, et qui ont porte les armes contre nous. Faites fusiller les deux Maugrabins, Abd-Alleh et Achmet qui ont invite les Turcs a l'insurrection. L'homme qui se vante d'avoir servi quinze pachas et qui vient de la Haute-Egypte, restera au fort pour travailler aux galeres. Faites-vous donner par le capitaine Omar des notes sur tous les Maugrabins de sa compagnie qui sont arretes, et faites fusiller tous ceux qui se seraient mal conduits. Faites venir le scheick Soliman des Terrabins, et qu'il vous dise quels sont les Arabes qui viennent a El-Barratain. Il est charge de la police de ce canton, et on s'en prendra a lui si les Arabes viennent faire des courses. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Le nombre des employes, citoyen ordonnateur, est trop considerable, veuillez me presenter un etat de reduction. Un grand nombre d'officiers et sous-officiers blesses de maniere a ne pas pouvoir servir pourraient etre employes dans les administrations, et un grand nombre de jeunes gens qui peuvent porter le mousquet et qui sont dans les administrations, pourraient entrer dans les corps. Voyez a me presenter un projet sur chacun de ces objets. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _Au chef de brigade du genie Samson._ Je vous prie, citoyen commandant, de me remettre le devis de ce qu'a coute le fort Camin, et de ce qu'il en aurait coute si, au lieu de placer le moulin au-dessus du fort, on l'eut place a cote. Je desirerais que vous pussiez faire construire sur la hauteur, derriere le quartier-general, une petite tour qui defendrait la place Esbekieh. Il faudrait qu'elle fut la plus simple et la moins couteuse possible, de maniere a y placer une piece de canon et quelques hommes de garde. Je vous prie de me presenter le projet. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _Au directoire executif._ Citoyens directeurs, Pendant mon invasion en Syrie, il s'est passe dans la Basse-Egypte des evenemens militaires que je dois vous faire connaitre. _Revolte de Benecouef._ Le 12 pluviose, une partie de la province de Benecouef se revolta. Le general Veaux marcha avec un bataillon de la vingt-deuxieme; il remplit de cadavres ennemis quatre lieues de pays. Tout rentra dans l'ordre. Il n'eut que trois hommes tues et vingt blesses. _Bombardement d'Alexandrie._ Le 15 pluviose, la croisiere anglaise devant Alexandrie se renforca, et, peu de temps apres, elle commenca a bombarder le port. Les Anglais jeterent quinze a seize cents bombes, ne tuerent personne; ils firent ecrouler deux mauvaises maisons, et coulerent une mauvaise barque. Le 16 ventose, la croisiere disparut; on ne l'a plus revue. _Flottille de la mer Rouge._ Quatre chaloupes canonnieres partirent, le 13 pluviose, de Suez, arriverent le 18 devant Qosseyr, ou elles trouverent plusieurs batimens charges des tresors des mameloucks que le general Desaix avait defaits dans la Haute-Egypte. Au premier coup de canon, la chaloupe canonniere _le Tagliamento_ prit feu, et sauta en l'air. La republique n'aura jamais de marine, tant que l'on ne refera pas toutes les lois maritimes. Un hamac mal place, une gargousse negligee, perdent toute une escadre. Il faut proscrire les jurys, les conseils, les assemblees, a bord d'un vaisseau; il ne doit y avoir qu'une autorite, celle du capitaine, qui doit etre plus absolue que celle des consuls dans les armees romaines. Si nous n'avons pas eu un succes sur mer, ce n'est ni faute d'hommes capables, ni de materiel, ni d'argent, mais faute de bonnes lois. Si l'on continue a laisser subsister la meme organisation maritime, mieux vaut-il fermer nos ports; c'est y jeter notre argent. _Charqyeh._ Le citoyen Duranteau, chef du troisieme bataillon de la trente-deuxieme, se porta, le 24 ventose, dans la Charqyeh; le village de Bordeyn, qui s'etait revolte, fut brule, et ses habitans passes au fil de l'epee. _Arabes du grand desert a Gyseh._ Le 15 ventose, le general Dugua, instruit qu'une nouvelle tribu du fond de l'Afrique arrivait sur les confins de la province de Gyseh, fit marcher le general Lanusse, qui surprit leur camp, leur tendit plusieurs embuscades, et leur prit une grande quantite de chameaux, apres leur avoir tue plusieurs centaines d'hommes. Le fils du general Leclerc, jeune homme distingue, fut blesse. _Revolte de l'emir Hhadjy._ L'emir Hhadjy, homme d'un caractere faible et irresolu, que j'avais comble de bienfaits, n'a pu resister aux intrigues dont il a ete environne; il s'est inscrit lui-meme au nombre de nos ennemis. Reuni a plusieurs tribus d'Arabes et a quelques mameloucks, il s'est presente dans l'arene. Chasse, poursuivi, il perdit dans un jour les biens que je lui avais donnes, ses tresors et une partie de sa famille qui etait encore au Caire, et la reputation d'un homme d'honneur qu'il avait eue jusqu'alors. _L'ange el-Mohdy._ Au commencement de floreal, une scene, la premiere de ce genre que nous ayons encore vue, mit en revolte la province de Bahireh. Un homme, venu du fond de l'Afrique, debarque a Derneh, arrive, reunit des Arabes, et se dit l'ange _el-Mohdy_, annonce dans le Coran par le prophete. Deux cents Maugrabins arrivent quelques jours apres comme par hasard, et viennent se ranger sous ses ordres. L'ange _el-Mohdy_ doit descendre du ciel; cet imposteur pretend etre descendu du ciel au milieu du desert: lui qui est nu, prodigue l'or qu'il a l'art de tenir cache. Tous les jours, il trempe ses doigts dans une jatte de lait, se les passe sous les levres: c'est la seule nourriture qu'il prend. Il se porte sur Damanhour, surprend soixante hommes de la legion nautique, que l'on avait eu l'imprudence d'y laisser, au lieu de les placer dans la redoute de Rahmanieh, et les egorge. Encourage par ce succes, il exalte l'imagination de ses disciples; il doit, en jetant un peu de poussiere contre nos canons, empecher la poudre de prendre, et faire tomber devant les vrais croyans les balles de nos fusils: un grand nombre d'hommes attestent cent miracles de cette nature qu'il fait tous les jours. Le chef de brigade Lefebvre partit de Ramanieh avec quatre cents hommes, pour marcher contre l'ange; mais voyant a chaque instant le nombre des ennemis s'accroitre, il sent l'impossibilite de pouvoir mettre a la raison une si grande quantite d'hommes fanatises. Il se range en bataillon carre, et tue toute la journee ces insenses qui se precipitent sur nos canons, ne pouvant revenir de leur prestige. Ce n'est que la nuit que ces fanatiques, comptant leurs morts (il y en avait plus de mille) et leurs blesses, comprennent que _Dieu ne fait plus de miracles._ Le 19 floreal, le general Lanusse, qui s'est porte avec la plus grande activite partout ou il y a eu des ennemis a combattre, arrive a Damanhour, passe quinze cents hommes au fil de l'epee; un monceau de cendres indique la place ou fut Damanhour. L'ange _el-Mohdy,_ blesse de plusieurs coups, sent lui-meme son zele se refroidir; il se cache dans le fond des deserts, environne encore de partisans; car, dans des tetes fanatisees, il n'y a point d'organes par ou la raison puisse penetrer. Cependant la nature de cette revolte contribua a accelerer mon retour en Egypte. Cette scene bizarre etait concertee, et devait avoir lieu au meme instant ou la flotte turque, qui a debarque l'armee que j'ai detruite sous Acre, devait arriver devant Alexandrie. L'armement de cette flotte, dont les mameloucks de la Haute-Egypte avaient ete instruits par des dromadaires, leur fit faire un mouvement sur la Basse-Egypte; mais, battus plusieurs fois par le chef de brigade Destrees, officier d'une bravoure distinguee, ils descendirent dans la Charqyeh. Le general Dugua ordonna au general Davoust de s'y porter. Le 19 floreal, il attaqua Elfy-bey et les Billys: quelques coups de canon ayant tue trois des principaux kachefs d'Elfy, il fuit epouvante dans les deserts. _Canonnade de Suez._ Un vaisseau et une fregate anglaise sont arrives a Suez vers le 15 floreal. Une canonnade s'est engagee; mais les Anglais ont cesse des l'instant qu'ils ont reconnu Suez muni d'une artillerie nombreuse en etat de les recevoir: les deux batimens ont disparu. _Combat sur le canal de Moyse._ Le general Lanusse, apres avoir delivre la province de Bahyreh, atteignit, le 17 prairial, au village de Kafr-Fourniq, dans la Charqyeh, les Maugrabins et les hommes echappes de la Bahyreh; il leur tua cent cinquante hommes, et brula le village. Le 15 prairial, j'arrivai a El-Arich, de retour de Syrie. La chaleur du sable du desert a fait monter le thermometre a quarante-quatre degres: l'atmosphere etait a trente-quatre; Il fallait faire onze lieues par jour pour arriver aux puits, ou se trouve un peu d'eau salee, sulfureuse et chaude, que l'on boit avec plus d'avidite que chez nos restaurateurs une bonne bouteille de vin de Champagne. Mou entree au Caire s'est faite le 26 prairial, environne d'un peuple immense qui avait garni les rues, et de tous les muphtis montes sur des mules, parce que _le prophete montait de preference ces animaux_, de tous les corps de janissaires, des odjaqs, des agas de la police du jour et de nuit, de descendant d'Abou-Bekr, de Fathyme, et des fils de plusieurs saints reveres par les vrais croyans; les chefs des marchands marchaient devant, ainsi que le patriarche Qohthe: la marche etait fermee par les troupes auxiliaires grecques. Je dois temoigner ma satisfaction au general Dugua, au general Lanusse, et au chef de bataillon Duranteau. Les scheick el-Bekry, el-Cherqaouy, el-Sadat, el-Mahdy, Ssaouy, se sont comportes aussi bien que je le pouvais desirer; ils prechent tous les jours dans les mosquees pour nous. Leurs firmans font la plus grande impression dans les provinces. Ils descendent pour la plupart des premiers califes et sont dans une singuliere veneration parmi le peuple. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au commandant du genie._ J'ai visite hier, citoyen commandant, la citadelle du Caire: je me suis convaincu par moi-meme que le citoyen Farnee, duquel j'avais eu lieu d'etre satisfait, prend, avec le commandant, un ton qui n'est pas convenable. Le chef de brigade Dupas, uniquement occupe de sa place, commence a connaitre a fond les details de la citadelle, ce qui lui a fait venir un grand nombre d'idees que j'ai trouvees raisonnables. Je vous prie de conferer avec lui sur ces differens travaux, et de me faire connaitre le parti que vous croirez devoir prendre sur plusieurs objets essentiels, tels que le fosse qu'il propose pour isoler entierement la citadelle du cote de la ville, qu'il faudrait faire calculer avec l'occupation de la tour des janissaires, un chemin qui conduirait tout de suite de la premiere place sur le rempart de droite en entrant; un chemin qui conduirait droit de la premiere place a celle du pacha; enfin plusieurs idees de details sur la facilite des communications autour de la forteresse. Le citoyen Dupas a un grand nombre de prisonniers. En fournissant quelques outils, vous pourrez activer les travaux de maniere a faire promptement beaucoup de besogne. Quant aux logemens interieurs, la chose dont il faut principalement s'occuper, c'est de nettoyer les souterrains ou on pourrait placer la garnison en cas de siege, placer les poudres et la salle d'artifice dans un endroit a l'abri de la bombe; avoir un hopital a l'abri de la bombe. Sans cela, trois ou quatre mortiers ruinent tout, et rendent une place intenable. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au general Dugua._ Le nomme Caraoui, prevenu d'etre l'un des assassins du general Dupuy, sera fusille. Seid-Abd-Salem, prevenu d'avoir tenu des propos contre les Francais, sera fusille. Emir-Ali, mamelouck d'Omar-Cachef, rentre au Caire sans passeport, sera fusille. Muhammed, mamelouck de Muhammed-Cachef, rentre au Caire sans passeport, sera fusille. Kemeas-Achic, scheick-beled du village de Kobibal, sera retenu en prison jusqu'a ce qu'il ait verse deux mille talaris dans la caisse du payeur general de l'armee, independamment de ce qu'il pourrait devoir pour son village. Tous les deserteurs de la compagnie Omar seront interroges, et vous m'enverrez les notes que donnera sur eus le capitaine Omar. Vous me ferez passer l'interrogatoire de Dollah-Mahmed, derviche indien. Mahed-El-Tar, prevenu d'avoir tenu de mauvais propos contre les Francais, sera fusille. Vous me ferez un rapport sur la fortune et les renseignemens que donne l'aga de Hassan, chez qui l'on a trouve de la poudre. Hussan, mamelouck d'Achmet-Bey, sera fusille. Vous me ferez un rapport sur la fortune et sur ce que disent avoir ete faire dans la Haute-Egypte les dix personnes qui sont detenues pour etre revenues sans passeports. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au general Dugua._ Tous les officiers turcs prisonniers, citoyen general, seront interroges pour savoir quelle rancon ils veulent payer pour avoir leur liberte. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au general Fugieres._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 29 prairial. Votre payeur doit verser tous les fonds qu'il recoit dans la caisse du Caire. Tachez de nous envoyer, le plus tot possible, 100,000 francs dont nous avons grand besoin; j'aurai aussi besoin de quarante beaux chevaux pour la remonte de mes guides. La province de Garbieh en a de tres-bons, tachez de nous les envoyer. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au contre-amiral Ganteaume._ Vous vous rendrez, citoyen general, a Rosette et a Alexandrie. Vous passerez la revue des batimens qui se trouvent pour la defense de l'embouchure de Rosette; vous y ferez envoyer d'Alexandrie tout ce qui pourrait y manquer. Mon intention est que les batimens qui n'ont qu'une piece soient approvisionnes a trois cents coups, et ceux qui en ont deux a deux cents. Vous ferez partir d'Alexandrie tous les batimens propres a la navigation du Nil, et specialement tous les avisos armes eu guerre qui peuvent entrer dans le Nil ou a Bourlos. Vous prendrez a bord de tous les batimens, soit de guerre, soit de convoi, tous les canons, toutes les armes, et autres objets de quelque espece que ce soit, qui peuvent etre utiles a la defense du Nil. Vous trouverez a Alexandrie le general Dommartin, et vous l'aiderez dans le transport de toutes les poudre, canons, munitions de guerre, etc., qu'il doit envoyer a Rosette, Bourlos et Damiette. Je desirerais que l'on put embosser a l'embouchure du lac Bourlos un gros batiment arme de grosses pieces, de maniere a ce que ce batiment put defendre la passe, et tenir lieu d'un fort que l'on va commencer a construire, mais pour lequel il faudra du temps. Vous desarmerez a Alexandrie tous les batimens, hormis _la Muiron_ et _la Carrere_ et une demi-douzaine d'avisos ou batimens marchands bons marcheurs, qu'il faut tenir prets a partir pour France. Vous me ferez faire un rapport sur la meilleure des fregates qui restent, et vous ordonnerez toutes les dispositions pour l'armer, au premier ordre, en materiel. Vous aurez soin de vous assurer que les futailles des deux fregates _la Muiron_ et _la Carrere_ soient en meilleur etat que celles de l'escadre du contre-amiral Baree. Vous aurez soin, hormis ce qui vous est necessaire, de laisser dans chaque batiment de guerre de quoi les armer en flute le plus promptement possible. Je vous fais passer l'ordre pour que l'ordonnateur de la marine et le commandant des armes ne portent aucun obstacle a vos operations, et vous secondent de leur pouvoir. Vous ferez mettre en construction deux a trois petits chebecks semblables a _la Fortune_, et qui puissent entrer dans le Nil et a Omm Faredge. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au general Desaix._ Les trois officiers du genie, une compagnie de canonniers et une centaine d'hommes de cavalerie a pied, ont ordre, citoyen general, de se rendre dans la Haute-Egypte. Les commandans de l'artillerie et du genie font partir des outils et des cartouches. Si vous ecrivez au scherif de la Mecque, faites-lui connaitre que l'on m'a presente hier les differens reis de ses batimens, et que l'on fait passer a force du ble et du riz a Suez pour les lui envoyer. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au meme._ Je desirerais, citoyen general, acheter deux ou trois mille negres ayant plus de seize ans, pour pouvoir en mettre une centaine par bataillon. Voyez s'il n'y aurait pas moyen de commencer le recrutement en commencant les achats. Je n'ai pas besoin de vous faire sentir l'importance de cette mesure. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au commandant du genie._ Je desirerais, citoyen commandant, que l'on put placer le plus tot possible le moulin a vent dont la charpente est faite a la citadelle; il etait destine pour le fort Camin; on placera a ce fort le premier que l'on fera. Voyez donc, je vous prie, a faire choisir un emplacement pour ce moulin, et faites-moi un rapport sur cet objet. Je desirerais egalement que le nouveau chemin de Boulac a la place Esbekieh fut fini le plus tot possible. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au meme._ Mon intention, citoyen commandant, est d'etablir une redoute a Mit-Kamar et une a Mansoura, remplissant les buts suivans: Defendre la navigation du Nil, proteger les barques francaises, construire des magasins capables de nourrir un corps de dix mille hommes pour un mois, contenir une ambulance d'une cinquantaine de lits et enfin maintenir les villes de Mansoura et Mit-Kamar. Je vous prie de me presenter un projet pour ces deux redoutes, auxquelles je desire qu'on travaille de suite, de maniere qu'entre Rosette et le Caire il y aura les deux redoutes de Rahmanieh et d'Alkan, et entre Damiette et le Caire celles de Mansoura et de Mit-Kamar. Je vous prie aussi de me faire un rapport sur la redoute de Rahmanieh. Voila long-temps que l'on y travaille, et je vois qu'on ne finit jamais. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au citoyen Lepere, ingenieur des ponts et chaussees._ Je desirerais, citoyen, que le nouveau chemin du Caire a Boulac fut fini le plus promptement possible. Je desirerais connaitre s'il ne serait pas possible de profiter du fosse que vous faites d'un des cotes du chemin, pour s'en servir de canal de communication du Caire a Boulac, au moins pendant sept a huit mois de l'annee, et si l'annee prochaine on ne pourrait pas s'en servir constamment. Il est necessaire egalement de preparer un rapport sur la conduite des eaux au Nil dans le Kalidj, sur l'inondation des places du Caire et terres adjacentes. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au contre-amiral Ganteaume._ Les demi-galeres _la Coquette_, _l'Amoureuse_ et la canonniere _la Victoire_, seront armees aussi bien qu'il est possible. La djerme _la Boulonnaise_ sera mise, ainsi que les felouques _le Nil_ et _l'Elephantine_, dans le meme etat qu'etait _l'Italie_, pour servir au meme usage. Vous me ferez faire un rapport sur les djermes _la Syrie_ et _la Carinthie_, et sur l'artillerie et autres objets necessaires pour armer les quatre batimens dont il est ci-dessus parle. La compagnie des canonniers de la marine qui est au Caire, sera distribuee entre ces quatre batimens, _l'Etoile_ et _le Sans-Quartier._ Vous me remettrez demain un etat general des batimens armes dans le Nil, avec le nombre de canons, d'approvisionnemens, et le nombre d'equipages. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au citoyen Baille, capitaine des grenadiers de la soixante-neuvieme demi-brigade._ J'ai recu, citoyen, les notes que vous m'avez remises, qui prouvent que votre compagnie n'etait pas avec les deux autres compagnies au moment ou je fus mecontent d'elles, ce qui m'a porte a leur defendre de porter des palmes a leur entree au Caire, et qu'elle venait au contraire d'etre envoyee par le general Rampon a l'attaque d'un poste ou elle a montre le courage, l'impetuosite et la bravoure qui doivent distinguer les grenadiers. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7(23 juin 1799). _Au general Kleber._ Je recois, citoyen general, vos lettres des 26, 28 et 29 prairial. L'annee passee, nous avions permis le commerce avec la Syrie, et Djezzar-Pacha s'y etait oppose. Quelque inconvenient qu'il puisse y avoir, le premier besoin pour nous etant de ne pas laisser tomber l'agriculture, je ne vois pas d'inconvenient a ce que, d'ici a thermidor, vous permettiez le commerce avec la Syrie; mais je crois qu'il est bon de laisser passer tout messidor. Le bataillon de la vingt-cinquieme se rend en droite ligne a Catieh avec le general Leclerc. J'ai envoye le general Destaing a Rahmanieh. Le general Dommartin doit etre rendu a Alexandrie. Si Lesbeh n'est pas en etat aujourd'hui, il est au moins necessaire que vous donniez les ordres qu'on y travaille avec une telle activite, que tous les mois il acquiere un nouveau degre de force, et que, l'annee prochaine, il puisse remplir le but qu'on s'etait propose. Hassan-Thoubar est au Caire, je dois le voir dans une heure. Je ne sais pas trop le parti que je prendrai avec cet homme. Si je lui rends ce qu'il me demande, le prealable sera qu'il me remette ses enfans en otage. Nous sommes toujours ici sans nouvelles du continent. On m'assure aujourd'hui que des vaisseaux anglais ont paru devant Alexandrie; qu'ils ont expedie a Mourad trois expres sur des dromadaires. Ils auront de la peine a le trouver, car le general Friant est dans ce moment dans les oasis. Le general Desaix est en pleine jouissance de la Haute-Egypte et de Cosseir. Les impositions se payent regulierement, et sa division est au courant de sa solde. Avec les impositions des provinces de Damiette et de Mansoura, vous viendrez facilement a bout de payer votre division. Mettez-vous en correspondance avec Rosette, afin que l'on vous previenne promptement de tout ce qui pourrait se passer sur la cote. Des l'instant qu'il y aura un peu d'eau, je vous enverrai les deux demi-galeres et la chaloupe canonniere _la Victoire_, qui sont fort bien armees. Dans ce moment-ci les eaux sont trop basses. Je crois qu'il serait toujours utile de tenir a Omm-Faredge le bateau _le Menzaleh_, et de remplir sa cale de jarres pleines d'eau, car d'ici a un ou deux mois le lac Menzaleh sera un moyen efficace de communication avec Catieh et El-Arich. Le general Menou n'est pas encore de retour de son inspection d'El-Arich. Quatre ou cinq negocians de Damiette, chretiens ou turcs, peuvent vous preter les 60,000 livres que vous demandez; je crois que cela vaut mieux que de s'adresser a un trop grand nombre. Choisissez six negocians turcs et deux on trois chretiens; et imposez chacun a tant. Je ne connais pas les membres du divan de Damiette. Cette province a toujours ete faiblement administree, et je ne la calculerai de niveau avec celles de Rosette, du Caire et d'Alexandrie que trois ou quatre decades apres votre arrivee. Faites tout ce que la prudence vous fera juger necessaire. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au Directoire executif._ Citoyens directeurs, Apres la bataille des Pyramides, les mameloucks se diviserent. Ibrahim-Bey se retira dans la Charqyeh, passa le desert, sejourna a Gaza et a Damas. Affaibli par les pertes qu'il a essuyees pendant mon incursion en Syrie, il est aujourd'hui dans la plus profonde misere. Mourad-Bey remonta le Nil avec une nombreuse flottille, et se retira dans la Haute-Egypte. Battu a Sedyman, il etait toujours maitre des provinces superieures, et dans une position menacante. Le 20 frimaire, le general Desaix, ayant ete renforce de la plus grande partie de la cavalerie de l'armee, se mit en marche, et arriva le 9 nivose a Djirdjeh. A deux journees plus haut, Mourad-Bey l'attendait, reuni a Hhacan-Bey, a deux mille Arabes d'Yambo, qui venaient de debarquer a Qosseyr, et a une grande quantite de paysans qu'il avait souleves. _Combats de Soheidje et de Tahhtah._ Le general Desaix, ayant appris que plusieurs rassemblemens armes occupaient les rives du Nil, et s'opposaient a la marche de la flottille qui portait ses munitions de guerre et ses vivres, envoya le general Davoust avec la cavalerie. Il trouva et dissipa, les 14 et 19 nivose, des rassemblemens de paysans a Soheidje et a Tahhtah: il massacra dans ces deux affaires plus de deux mille hommes. Le chef de brigade Pinon, a la tete du quinzieme, et Boussard, a la tete du vingtieme de dragons, se sont particulierement distingues. _Affaire de Samhoud._ Ayant ete rejoint par sa cavalerie et sa flottille, le general Desaix marcha a l'ennemi, qu'il rencontra, le 3 pluviose, au village de Samhoud. Il prit l'ordre de bataille accoutume, en placant son infanterie en carre sur ses ailes, sa cavalerie en carre au centre. La droite etait commandee par le general Friant, la gauche par le general Belliard, et le centre par le general Davoust. L'ennemi investit avec un tourbillon de cavalerie notre petite armee; mais ayant ete vigoureusement repousse par la mitraille et la mousqueterie, il fit un mouvement en arriere. Notre cavalerie se deploya alors et le poursuivit. Une centaine d'Arabes et de paysans furent massacres; le reste s'eparpilla et fuit dans les deserts. Le citoyen Rapp, aide-de-camp du general Desaix, officier d'une grande bravoure, a ete blesse d'un coup de sabre. Le drapeau de la republique flotta sur les Cataractes; toute la flottille de Mourad-Bey se trouva prise, et, des ce moment, la Haute-Egypte fut conquise. Le general Desaix placa sa division en cantonnemens le long du Nil, et commenca l'organisation des provinces. Le reste des mameloucks et des Arabes d'Yambo ne pouvait vivre dans le desert; la necessite de se procurer de l'eau du Nil et des vivres engagea differens combats qui, politiquement, ne pouvaient plus etre dangereux. N'ayant plus ni artillerie ni flottille, le succes d'un combat n'avait pour but que le pillage; mais les bonnes dispositions du general Desaix, et la bravoure des troupes, ne leur donnerent pas meme cette consolation. _Combat de Qeneh._ Le chef de brigade Conroux, avec la soixante-unieme, fut attaque a Qeneh, le 22 pluviose, par cinq ou six cents Arabes; il joncha le champ de bataille de morts. _Combat de Samathah._ Le general Friant marcha, le 24 pluviose, a Samathah, ou il savait que se reunissaient les Arabes d'Yambo; il leur tua deux cents hommes. _Combat de Thebes._ Sur les ruines de Thebes, deux cents hommes du vingt-deuxieme de chasseurs et du quinzieme de dragons chargerent, le 23 pluviose, deux cents mameloucks, qu'ils disperserent. Ils regagnerent le desert, apres avoir laisse une partie de leur monde sur le champ de bataille. Le chef de brigade Lasalle, du vingt-deuxieme de chasseurs, s'est conduit avec son intrepidite ordinaire. _Combat d'Esne._ Le 7 ventose, Mourad-Bey se porta a Esne: le citoyen Clement, aide-de-camp du general Desaix, le dispersa et l'obligea de regagner le desert. _Combat de Benouthah._ Instruits que j'avais quitte l'Egypte, que j'avais passe le desert pour aller en Syrie, les mameloucks crurent le general Desaix affaibli, et des-lors le moment favorable pour l'attaquer. Ils redoublerent d'efforts, accoururent de tous les points du desert sur plusieurs points du Nil; ils s'emparerent d'une de nos djermes, en egorgerent l'equipage, prirent huit pieces de canon, et, renforces par quinze cents hommes qui venaient de debarquer a Qosseyr, ils se reunirent a Benouthah, ou ils se retrancherent. Le general Belliard marcha a eux, le 20 ventose, les attaqua, tua la moitie de leur monde, et dispersa le reste: c'est le combat ou l'ennemi a montre le plus d'opiniatrete. _Combat de Byralbarr._ Le 13 germinal, le general Desaix, instruit que Hhacan-Bey avait le projet de se porter sur Qeneh, marcha dans le desert pour le chercher; le septieme de hussards et le dix-huitieme de dragons decouvrirent l'ennemi, le chargerent, le disperserent apres un combat tres-opiniatre. Le citoyen Duplessis, commandant le septieme de hussards, fut tue en chargeant a la tete de son regiment. _Combat de Djirdjeh._ Le 16 germinal, le chef de bataillon Moran, attaque dans le village de Djirdjeh, fut secouru par les habitans, et mit en fuite les Arabes et les paysans, apres leur avoir tue plus de cent hommes. _Combat de Themeh._ Le chef de brigade Lasalle marcha a Tehneh pendant la nuit du 20 germinal, surprit un rassemblement qui s'y trouvait, tua une cinquantaine d'hommes, et le dispersa. _Combat de Benyhady._ Les mameloucks, voyant la Haute-Egypte garnie de troupes, filerent par le desert dans la Basse-Egypte. Le general Desaix envoya le general Davoust a leur suite. Il les rencontra au village de Benyhady, les attaqua, les dispersa, apres leur avoir tue un millier d'hommes. Nous avons eu trois hommes tues et trente blesses; mais parmi les tues se trouve le chef de brigade Pinon, du quinzieme de dragons, officier du plus rare merite. _Prise de Qosseyr_ (le 10 prairial). Le 10 prairial, le general Belliard et l'adjudant-general Donzelot sont entres a Qosseyr, et ont pris possession de ce poste important: on s'occupe a le mettre dans le meilleur etat de defense. Cette occupation, celle de Suez et d'El-Arich, ferment absolument l'entree de l'Egypte du cote de la mer Rouge et de la Syrie, tout comme les fortifications de Damiette, Rosette et Alexandrie, rendent impraticable une attaque par mer, et assurent a jamais a la republique la possession de cette belle partie du monde, dont la civilisation aura tant d'influence sur la grandeur nationale et sur les destinees futures des plus anciennes parties de l'univers. Mourad-Bey est retire avec peu de monde dans les oasis, d'ou il va etre encore chasse. Hhacan-Bey est a plus de quinze jours au-dessus des Cataractes; la plupart des tribus arabes sont soumises, et ont donne des otages; les paysans s'eclairent, et reviennent tous les jours des insinuations de nos ennemis; des forts nombreux, etablis de distance en distance, les retiennent d'ailleurs, s'ils etaient malintentionnes; les Arabes d'Yambo ont peri pour la plupart. L'etat-major vous enverra les noms des officiers auxquels j'ai accorde de l'avancement. J'ai nomme au commandement du quinzieme de dragons le citoyen Barthelemy, chef d'escadron des guides a cheval, ancien officier de cavalerie distingue par ses connaissances. Je vous demande le grade de general de brigade pour le citoyen Donzelot, adjudant-general du general Desaix. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au chef de la soixante-neuvieme demi-brigade._ J'ai recu, citoyen, votre memoire historique sur vos compagnies de grenadiers. Votre tort est de ne pas vous etre donne des sollicitudes necessaires pour purger ces compagnies de quinze a vingts mauvais sujets qui s'y trouvaient. Aujourd'hui, il ne faut penser qu'a organiser ce corps, et le mettre a meme de soutenir, aux premiers evenemens, la reputation qu'il s'etait acquise en Italie. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au commandant du genie._ Je vous prie, citoyen, de profiter du depart du bataillon de la soixante-neuvieme qui se rend demain a Mit-Kamar, pour y envoyer les officiers du genie qui doivent tracer la redoute que j'y ai ordonnee. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie, citoyen, de me proposer une mesure, afin qu'il ne sorte de Suez qu'une quantite de riz, ble et sucre, proportionnee a celle du cafe qui nous arrive. Il ne faudrait pas que le scherif de la Mecque nous enlevat, pour quelques fardes de cafe, la plus grande partie de nos subsistances. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au general Kleber._ Hassan-Thoubar, citoyen general, sort de chez moi. Il remet ici, ce soir, son fils en otage: c'est un homme age de trente ans. Hassan-Thoubar part sous peu de jours pour Damiette; il parait un peu instruit par le malheur: d'ailleurs, son fils nous assure de lui. Je crois qu'il vous sera tres-utile pour l'organisation du lac Menzaleh, la province de Damiette, les communications avec El-Arich, et votre espionnage en Syrie. Je suis en guerre avec presque tous les Arabes. J'ai rompu, a ce sujet, tous les traites possibles, parce que aujourd'hui qu'ils nous connaissent, et qu'il n'y a presqu'aucune tribu qui n'ait eu des relations avec nous, je veux avoir des otages. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au commandant du genie._ Je vous prie, citoyen commandant, de faire deblayer au plus tot les murailles qui sont contre les creneaux de la porte du Delta. Je vous fais passer une lettre de l'administrateur-general des finances; je vous prie de la prendre en consideration, et de vous concerter avec les autorites, les ingenieurs des ponts et chaussees et l'administrateur des finances, et de me presenter un projet: 1 deg.. Des maisons nationales a demolir; 2 deg.. Des maisons particulieres a acquerir et a demolir, pour avoir une communication large et commode d'ici au quartier de l'Institut, avec une place au milieu de ladite communication; 3 deg.. Pour avoir une communication de la place Esbekieh a la place Birket-el-Fil, avec une place au milieu. Les maisons que l'on a demolies a droite et a gauche defigurent la ville et ruinent les habitations, que nous serons obliges un jour de retablir. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au general Kleber._ La province de Mansoura, citoyen general, nous a fourni quelques bons chevaux, elle en doit fournir encore une centaine. Je vous prie de donner l'ordre qu'on procede sans delai a les lever; cela nous est extremement essentiel: surtout, ordonnez qu'on ne prenne pas de chevaux au-dessous de cinq ans. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au general Desaix._ Je vous envoie, citoyen general, trois officiers du genie, des cartouches, des outils et des hommes a pied a monter. Vous garderez les hommes du vingt-deuxieme de chasseurs et du vingtieme de dragons, et vous me renverrez tout le reste au Caire. Nous avons besoin d'un corps de cavalerie considerable, pour veiller a la defense de la cote. Nous sommes toujours tres-tranquilles. J'attends toujours de vos nouvelles. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Au meme._ Quoique la caravane de Darfour se soit tres-mal conduite, citoyen general, mon intention est que vous fassiez rendre a Krabino, un des chefs de la caravane, sa propre fille qui a ete enlevee, et qui est demeuree a un des chirurgiens de votre division. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Aux citoyens Hamelin et Liveron._ J'ai recu, citoyens, votre lettre du 28 prairial. Le citoyen Poussielgue, qui a mis en vous toute sa confiance pour un objet aussi essentiel, garantit votre activite et les moyens que vous aurez pour reussir. J'ecris au general Desaix pour qu'il vous donne toute la protection que vous pourrez desirer. Autant qu'il sera possible, on levera toutes les difficultes qui pourraient s'opposer a la marche de votre operation. La reussite pourrait faire apprecier les motifs qui vous ont fait mettre en avant, comme seule elle sera la mesure du service que vous vous trouverez avoir rendu. Vous n'aurez reussi que lorsque, vous aurez fait verser, a Boulac, 600,000 ardeps de ble. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Au payeur general._ Ayant autorise le general Kleber a percevoir, dans les provinces de Mansoura et de Damiette toutes les sommes necessaires pour sa division, je vous prie de donner l'ordre a vos preposes de faire recette de tous les fonds que fera rentrer le general Kleber, et de suivre tous les ordres qu'il leur donnera pour le paiement, sauf a vous rendre compte. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _A l'ordonnateur en chef._ J'ai donne, citoyen ordonnateur, au general Kleber l'autorite necessaire pour administrer les provinces de Damiette et de Mansoura, de maniere a pouvoir solder tout ce dont a besoin sa division. La meme autorite a ete donnee au general Marmont pour les provinces d'Alexandrie, Rosette et Bahhireh. Meme autorite au general Desaix pour les trois provinces de la Haute-Egypte. Je vous prie donc, dans les besoins de l'administration, de distinguer les besoins de la division Desaix, ceux de la division Kleber, l'arrondissement d'Alexandrie, et enfin le Caire et les troupes qui sont dans les autres provinces. Si vous accordiez pour les divisions Kleber, Desaix et l'arrondissement d'Alexandrie plus qu'il ne faut, les generaux ne feraient pas solder les credits que je vous ai donnes. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Au chef de brigade d'artillerie Grobert._ Je vous prie, citoyen, de me remettre demain l'etat general des pieces et munitions qui se trouvent, soit en batterie a Gizeh, soit au parc general de l'armee, soit au magasin general de la direction. Je vous prie de tenir a la disposition du commandant de la marine toutes les pieces d'un calibre inferieur a 3, et qui des-lors ne sont pas propres au service de terre. Je vous prie de faire remettre au commandant de la marine deux pieces de 6 pour armer la demi-galere embossee a Gizeh. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Je viens de faire la visite de l'hopital de la maison d'Ibrahim-Bey. J'ai vu, avec mecontentement, qu'il y manque plusieurs medicamens essentiels, et surtout la pierre infernale. Donnez les ordres pour qu'avant le 10 du mois, tous ces objets soient a l'hopital. J'ai trouve que les pharmaciens n'etaient pas a leur poste. Il y avait quelques plaintes sur les chirurgiens. Il manquait beaucoup de draps, et les chemises etaient plus sales qu'elles ne l'auraient ete a l'ambulance devant Acre. Fixez, je vous prie, vos yeux sur cet objet essentiel. Faites-vous remettre l'etat du linge, des chemises qui ont ete donnees au directeur de l'hopital, et faites de maniere a ce que, d'ici au 10, il y ait cinq ou six cents chemises a cet hopital. BONAPARTE. Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799). _Au general Marmont._ Je n'ai point recu, citoyen general, la lettre que vous m'annoncez m'avoir ecrite le 1er messidor, je viens de recevoir celle du 3. Le general Destaing est arrive a Rahmanieh; il a mene avec lui un bataillon de la soixante-unieme, le general Lanusse y avait envoye un bataillon de la quatrieme. Le chef de la quatrieme est parti avant-hier avec un autre bataillon. Ainsi, il ne manque pas de forces pour faire payer les contributions et dissiper les rassemblemens. Vous-meme, vous pouvez avec une partie de vos forces, vous porter sur Mariout, et detruire ces maudits Arabes. Le contre-amiral Ganteaume doit etre arrive a Alexandrie. Secondez, je vous prie, toutes ses operations. Smith est un jeune fou qui veut faire sa fortune, et cherche a se mettre souvent en evidence. La meilleur maniere de le punir, est de ne jamais lui repondre. Il faut le traiter comme un capitaine de brulot. C'est au reste un homme capable de toutes les folies, et auquel il ne faut jamais preter un projet profond et raisonne: ainsi, par exemple, il serait capable de faire faire une descente a 800 hommes. Il se vante d'etre entre deguise a Alexandrie. Je ne sais si ce fait est vrai, mais il est tres-possible qu'il profite d'un parlementaire pour entrer dans la ville, deguise en matelot. La province de Rosette doit beaucoup d'argent, prenez des mesures pour faire tout solder. Le Nil n'augmente pas encore, mais du moment qu'il sera un peu haut, je vous enverrai six cent mille rations de biscuit et une grande quantite de ble. BONAPARTE. Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799). _Au general Kleber._ Je vous prie, citoyen general, d'envoyer au Caire l'osmanli que vous avez deja renvoye d'Alexandrie, et qui, par sa mauvaise etoile, n'est pas encore parti. Je le garderai prisonnier a la citadelle; il servira d'otage pour les Francais prisonniers a Constantinople. BONAPARTE. Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799). _Au divan du Caire._ J'ai fait arreter le cadi, parce que j'ai lieu de m'en mefier, et que son pere, que j'avais comble de bienfaits, m'a paye de la plus noire ingratitude. Je vous prie de me presenter quelqu'un pour remplir cette place. Il faut que ce soit un homme ne en Egypte. BONAPARTE. Au Caire, le 9 messidor an 7 (27 juin 1799). _Au general Dugua._ Je vous prie de reunir demain matin, chez vous, citoyen general, les membres du divan, et de leur faire connaitre la lettre ci-jointe, en reponse a celle qu'il m'a ecrite ce matin. Je desire que vous envoyiez de suite quelqu'un rassurer les femmes du cadi, et que vous donniez l'ordre a la citadelle qu'il soit traite avec les plus grands egards. Je desire egalement que vous lui fassiez demander le lieu ou il desire se rendre, soit qu'il veuille aller en Syrie, soit a Constantinople; je l'y ferai conduire. BONAPARTE. Au Caire, le 9 messidor an 7 (27 juin 1799). _Au divan du Caire._ J'ai recu votre lettre ce matin. Ce n'est pas moi qui ai destitue le cadi; c'est, le cadi lui-meme qui, comble de mes bienfaits, a pousse l'oubli de ses devoirs jusqu'a quitter son peuple et abandonner l'Egypte pour se retirer en Syrie. J'avais consenti que, provisoirement, pendant la mission qu'il devait avoir en Syrie, il laissat son fils jour gerer sa place pendant son absence; mais je n'aurais jamais cru que ce fils, jeune, faible, dut remplir definitivement la place de cadi. La place de cadi s'est donc trouvee vacante. Qu'ai-je donc fait pour suivre le veritable esprit du Coran? C'est de faire nommer le cadi par l'assemblee des scheiks; c'est ce que j'ai fait. Mon intention est donc que le scheik El-Arichi, qui a obtenu vos suffrages, soit reconnu et remplisse les fonctions de cadi. Les premiers califes, en suivant le veritable esprit du Coran, n'ont-ils pas eux-memes ete nommes par l'assemblee des fideles? Il est vrai que j'ai recu avec bienveillance le fils du cadi lorsqu'il est venu me trouver, aussi mon intention est-elle de ne lui faire aucun mal; et si je l'ai fait conduire a la citadelle, ou il est traite avec autant d'egards qu'il le serait chez lui, c'est que j'ai pense devoir le faire par mesure de surete; mais des que le nouveau cadi sera publiquement revetu et exercera ses fonctions, mon intention est de rendre la liberte au fils du cadi, de lui restituer ses biens, et de le faire conduire avec sa famille dans le pays qu'il desirera. Je prends ce jeune homme sous ma speciale protection; aussi bien je suis persuade que son pere meme, dont je connaissais les vertus, n'a ete qu'egare. C'est a vous a eclairer les bien intentionnes, et faites ressouvenir enfin aus peuples d'Egypte qu'il est temps que le regne des osmanlis finisse; leur gouvernement est plus dur cent fois que celui des mameloucks, et y a-t-il quelqu'un qui puisse penser qu'un scheick, natif d'Egypte, n'ait pas le talent et la probite necessaires pour remplir la place importante de cadi. Quant aux malintentionnes et a ceux qui seraient rebelles a ma volonte, faites-les moi connaitre: Dieu m'a donne la force pour les punir; ils doivent savoir que mon bras n'est pas faible. Le divan et le peuple d'Egypte doivent donc voir dans cette conduite une preuve toute particuliere de ces sentimens que je nourris dans mon coeur pour leur bonheur et leur prosperite; et si le Nil est le premier des fleuves de l'Orient, le peuple d'Egypte, sous mon gouvernement, doit etre le premier des peuples. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie, citoyen, de faire au general Kleber un acte de donation de sa maison. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au general Dugua._ Vous ferez fusiller, citoyen general, le nomme Joseph, natif de Cherkem, pres la mer Noire; Le nomme Selim, natif de Constantinople, tous deux detenus a la citadelle. Quant au nomme Ibrahim-Kerpouteli, on fera interroger celui qu'il cite pour etre son pere, afin de savoir s'il l'avoue, et vous me ferez donner des notes sur la maniere dont son pere s'est conduit. Je vous renvoie les interrogatoires de ces hommes, afin que vous les puissiez mieux reconnaitre. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au citoyen Dupas, commandant la citadelle._ Le citoyen James, canonnier au quatrieme regiment d'artillerie, citoyen commandant, est detenu depuis six mois a la citadelle. Si vous ignorez les motifs de son arrestation, je vous prie de le faire mettre sur-le-champ en liberte. Vous ferez mettre en liberte les citoyens Jersay, sapeur a la deuxieme compagnie; Billou, canonnier a la septieme compagnie d'artillerie; Michel Gazette, sapeur; Robin, mineur. Vous ferez consigner le citoyen Philippe Bouette au chef de brigade de la vingt-deuxieme, pour le mettre dans son corps. Vous ferez mettre en liberte, le 15 du mois, le citoyen Bataille, soldat a la legion maltaise. Vous ferez mettre en liberte les citoyens Merel, dromadaire; Dubourg, volontaire au deuxieme bataillon de la soixante-neuvieme. Vous ferez mettre en liberte, ou traduire a un conseil militaire, s'il y a eu lieu, le citoyen Signal, caporal du deuxieme bataillon de la trente-deuxieme. Vous ferez mettre en liberte le citoyen Roanet, volontaire au deuxieme bataillon de la trente-deuxieme. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au citoyen Fourier, commissaire, pres le divan._ Je vous prie, citoyen, de me faire un rapport sur les membres qui composent le grand et le petit divan du Caire, pour me faire, connaitre s'il y a des places vacantes dans l'un ou l'autre. Je desire egalement que vous me fassiez connaitre si, parmi les membres du grand divan, il s'en trouverait qui ne meriteraient pas la place qu'ils ont, soit par leur peu de consideration, soit par une raison quelconque; que vous me presentiez un certain nombre d'individus pour remplir les places vacantes. Mon intention est de composer ce divan de maniere a former un corps intermediaire entre le gouvernement et l'immense population du Caire, de maniere qu'en parlant a ce grand divan, on soit sur de parler a la masse de l'opinion. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au general Destaing._ Je recois presque en meme temps vos lettres des 5 et 7 messidor. Le premier bataillon de la quatrieme est parti le 6 a quatre heures apres midi du Caire, pour se rendre a Rahmanieh. Si vous etes parti le 9, comme c'etait votre projet, pour remonter votre province, vous vous serez probablement joint a portee de tomber sur le rassemblement de l'ennemi. Le quinzieme de dragons et tous les dromadaires disponibles partent cette nuit pour se rendre a Menouf; je donne l'ordre au general Lanusse de se porter au village de ..., et de le bruler, ainsi que le village de Zaira; apres quoi il vous fera passer le quinzieme et les dromadaires. Ces secours et les trois bataillons que vous avez, vous mettent a meme de soumettre la province de Bahireh. Des l'instant que vous aurez frappe quelques coups dans votre province, faites-moi passer la legion nautique, dont j'ai le plus grand besoin pour l'organisation de l'armee. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au Directoire executif._ Je vous fais passer plusieurs imprimes qui vous mettront au fait des evenemens qui se sont succedes depuis plusieurs mois. La peste a commence a Alexandrie, il y a six mois, avec des symptomes tres-prononces. A Damiette elle a ete plus benigne. A Gaza et a Jaffa elle a fait plus de ravages. Elle n'a ete ni au Caire, ni a Suez, ni dans la Haute-Egypte. (_Il resulte de l'etat que je vous envoie que l'armee francaise, depuis son arrivee en Egypte jusqu'au 10 messidor an 7, avait perdu 5344 hommes._) Vous voyez qu'il nous faudrait cinq cents hommes pour la cavalerie, cinq mille pour l'infanterie, cinq cents pour l'artillerie, pour mettre l'armee dans l'etat ou-elle etait lors du debarquement. La campagne de Syrie a eu un grand resultat: nous sommes maitres de tout le desert, et nous avons deconcerte pour cette annee les projets de nos ennemis. Nous avons perdu des hommes distingues. Le general Bon est mort de ses blessures; Caffarelli est mort; mon aide-de-camp, Croisier est mort; beaucoup de monde a ete blesse. Notre situation est tres-rassurante. Alexandrie, Rosette, Damiette, El-Arich, Catieh, Salahieh, se fortifient a force; mais si vous voulez que nous nous soutenions, il nous faut, d'ici en pluviose, six mille hommes de renfort. Si vous nous en faites passer en outre 15,000, nous pourrons aller partout, meme a Constantinople. Il nous faudrait alors deux mille hommes de cavalerie pour incorporer dans nos regimens, avec des carabines, selles a la hussarde et sabres; six cents hussards ou chasseurs; six mille hommes de troupes pour incorporer dans nos corps et les recruter; cinq cents canonniers de ligne; cinq cents ouvriers, macons, armuriers, charpentiers, mineurs, sapeurs; cinq demi-brigades a deux mille hommes chacune; vingt mille fusils; quarante mille baionnettes; trois mille sabres; six mille paires de pistolets; dix mille outils de pionniers. S'il vous etait impossible de nous faire, passer tous ces secours, il faudrait faire la paix; car il faut calculer que, d'ici au mois de messidor, nous perdrons encore six mille hommes. Nous serons, a la saison prochaine, reduits a quinze mille hommes effectifs, desquels, otant deux mille hommes aux hopitaux, cinq cents veterans, cinq cents ouvriers qui ne se battent pas, il nous restera douze mille hommes, compris cavalerie, artillerie, sapeurs, officiers d'etat-major, et nous ne pourrons pas resister a un debarquement combine avec une attaque par le desert. Si vous nous faisiez passer quatre ou cinq mille Napolitains, cela serait bon pour recruter nos troupes. Il nous faudrait dix-huit a vingt medecins, et soixante ou quatre-vingts chirurgiens; il en est mort beaucoup. Toutes les maladies de ce pays-ci ont des caracteres qui demandent a etre etudies. Par la, on peut les regarder toutes comme inconnues; mais toutes les annees elles seront plus connues et moins dangereuses. Je n'ai point recu de lettres de France depuis l'arrivee de Moureau, qui m'a apporte des nouvelles du 5 nivose, et de Belleville, du 20 pluviose. J'espere que nous ne tarderons pas a en avoir. Nos sollicitudes sont toutes en France. Si les rois l'attaquaient, vous trouveriez dans nos bonnes frontieres, dans le genie guerrier de la nation et dans vos generaux, des moyens pour leur rendre funeste leur audace. Le plus beau jour pour nous sera celui ou nous apprendrons la formation de la premiere republique en Allemagne. Je vous enverrai incessamment le nivellement du canal de Suez, les cartes de toute l'Egypte, de ses canaux, et de la Syrie. Nous avons de frequentes relations avec la Mecque et Mokka. J'ai ecrit plusieurs fois aux Indes, a l'Ile-de-France; j'en attends les reponses sous peu de jours. C'est le scherif de la Mecque qui est l'entremetteur de notre correspondance. Le contre-amiral Perree est sorti d'Alexandrie le 19 germinal avec trois fregates et deux bricks; il est arrive devant Jaffa le 24, s'est mis eu croisiere, a pris deux batimens du convoi turc, charges de trois cents hommes, cent mineurs et bombardiers, est revenu devant Tentoura pour prendre nos blesses; mais il a ete chasse par la croisiere anglaise, et a disparu; il sera arrive en Europe. Je lui avais remis des instructions pour son retour: personne n'est plus a meme que cet officier de nous faire passer des nouvelles et des secours; depuis la bouche d'Omm-Faredge, Damiette, Bourlos, Rosette, Alexandrie, il peut choisir dans ce moment-ci; et depuis le 15 ventose il n'y a point de croisiere devant Alexandrie ni Damiette: cela nous a ete utile pour l'approvisionnement d'Alexandrie. J'ai ete tres-satisfait de la conduite du contre-amiral Perree dans toute cette croisiere, je vous prie de le lui faire connaitre. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au sultan de Darfour._ Au nom de Dieu clement et misericordieux: il n'y a d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete. Au sultan de Darfour Abd-el-Rahman, serviteur des deux cites saintes, calife du glorieux prophete de Dieu et maitre des mondes. J'ai recu votre lettre, j'en ai compris le contenu. Lorsque votre caravane est arrivee, j'etais absent, ayant ete en Syrie pour punir et pour detruire nos ennemis. Je vous prie de m'envoyer par la premiere caravane deux mille esclaves noirs ayant plus de seize ans, forts et vigoureux: je les acheterai tous pour mon compte. Ordonnez a votre caravane de venir de suite, et de ne pas s'arreter en route. Je donne des ordres pour qu'elle soit protegee partout. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au scherif de la Mecque._ Au nom de Dieu clement et misericordieux: il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete. J'ai recu votre lettre, et j'en ai compris le contenu. J'ai donne les ordres pour que tout ce qui peut vous persuader de l'estime et de l'amitie que j'ai pour vous, soit fait. J'espere qu'a la saison prochaine vous ferez partir une grande quantite de batimens charges de cafe et de marchandises des Indes: ils seront toujours proteges. Je vous remercie de ce que vous avez fait passer mes lettres aux Indes et a l'Ile de France: faites-y passer celles-ci, et envoyez-moi la reponse. Croyez a l'estime que j'ai pour vous et au cas que je fais de votre amitie. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au commandant de l'Ile de France._ Je vous prie, citoyen commandant, de faire payer au scherif de la Mecque la somme de 94,000 fr., que le payeur de l'armee tire en trois lettres de change sur le payeur de l'Ile de France, et dont la tresorerie nationale tiendra compte. J'ai pense devoir me servir de ce moyen pour avoir un canal sur pour correspondre avec vous, malgre les croiseurs qui infestent la mer Rouge. Je vous salue. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au commandant des Iles de France et de la Reunion._ Vous aurez sans doute appris, citoyen commandant, que depuis un an la republique est maitresse de l'Egypte. Je vous ai fait passer plusieurs lettres par la voie de Mokka, et j'espere que vous les aurez recues. Les ports de Suez et de Cosseir sont occupes par des garnisons francaises et armes, les avisos que vous pourriez m'envoyer pour correspondre avec moi, seront donc surs d'y etre proteges. Je desirerais que vous me fissiez passer le plus tot possible quelques avisos pour pouvoir correspondre avec les Indes, et que vous profitassiez de ces batimens pour nous envoyer trois mille fusils de calibre, quinze cents paires de pistolets, mille sabres. La grande quantite de vaisseaux anglais qui inondent la Mediterranee, rend difficile l'arrivee des batimens de Toulon. Mes dernieres nouvelles de France sont du mois de ventose: nous nous etions empares du royaume de Naples, qui s'etait declare pour les Anglais, et la republique etait dans l'etat le plus florissant. Faites-moi passer par vos avisos toutes les nouvelles que vous pourriez avoir des Indes. L'etablissement solide que la republique vient de faire en Egypte sera une source de prosperite pour l'Ile de France. L'etat-major vous fait passer differens imprimes qui vous feront connaitre les evenemens qui se sont passes dans ce pays-ci. Croyez, je vous prie, au desir que j'ai de faire quelque chose qui vous soit agreable. BONAPARTE. Au Caire, le 13 messidor an 7 (1er juillet 1799). _Au general Marmont._ J'ordonne au payeur, citoyen general, de faire passer 50,000 fr. a Alexandrie pour pourvoir a un mois de solde et aux differens credits que le payeur ouvrira au genie, a l'artillerie et aux administrations. Les ouadis sont venus me trouver: quoique ces scelerats eussent bien merite que je profitasse du moment pour les faire fusiller, j'ai pense qu'il etait bon de s'en servir contre la nouvelle tribu, qui parait decidement etre leur ennemie. Ils ont pretendu n'etre entres pour rien dans tous les mouvemens du Bahireh: ils sont partis trois cents des leurs avec le general Murat, qui a trois cents hommes de cavalerie, trois compagnies de grenadiers de la soixante-neuvieme, et deux pieces d'artillerie. Je lui ai donne ordre de rester huit ou dix jours dans le Bahireh pour detruire les Arabes et aider le general Destaing a soumettre entierement cette province: mon intention est que tous les Arabes soient chasses au-dela de Marcouf. Le general Destaing avait recu auparavant un bataillon de la quatrieme, le quinzieme de dragons et une compagnie du regiment des dromadaires. J'espere que des sommes considerables entreront promptement dans la caisse du payeur d'Alexandrie. Du moment ou le Nil sera navigable, on vous enverra deux cent mille rations de biscuit, qui sont ici toutes pretes. BONAPARTE. Au Caire, le 13 messidor an 7 (1er juillet 1799). _Au general Kleber._ Hassan Thoubar, citoyen general, se rend a Damiette. Il a laisse ici son fils en otage. Il compte habiter Damiette, ou du moins y laisser sa femme et sa famille pour assurer davantage de sa fidelite. Je lui ai restitue ses biens patrimoniaux. Quant aux femmes qu'il reclame, je n'ai rien statue, parce que j'ai pense qu'elles etaient donnees a d'autres, et que d'ailleurs il serait ridicule qu'un homme dont nous avons eu tant a nous plaindre, reprit tout a coup une si grande autorite dans le pays. Par la suite, vous verrez le parti que vous pourrez tirer de cet homme. BONAPARTE. Au Caire, le 14 messidor an 7 (2 juillet 1799). _Au general Dugua._ Je vous envoie, citoyen general, les noms de cinq mameloucks, qui, je crois, sont ici sans passeport, puisqu'ils ne sont pas sur votre etat. Prenez des renseignemens sur ces hommes, et, s'ils sont les memes que ceux que l'on m'a adresses comme mauvais sujets, faites-les arreter de suite et conduire a la citadelle: Hussein, de la suite d'Oshman; Bey-Cherchaoui; l'emir Ahmed-Aboukul, de la maison Hussein-Bey; l'emir Hassan, mamelouck d'Ayoub-Bey; Aly-Effendi, de chez Selim-Bey. Faites rechercher, je vous prie, s'il y aurait dans la ville d'autres mameloucks egalement sans passeport. BONAPARTE. Au Caire, le 14 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au general Desaix._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 3 messidor. J'ai recu en meme temps une lettre du general Friant de Benecouef, du 12 messidor; il m'annonce que Mourad-Bey fuit dans le Bahhireh. Il est indispensable que vous fassiez partir tout de suite pour le Caire tous les escadrons ou hommes montes des neuvieme de hussards, troisieme, quatorzieme et quinzieme de dragons. Gardez avec vous tous les hommes du vingt-deuxieme de chasseurs et du vingtieme de dragons. Il me parait qu'il'se trame quelque chose dans le Bahhireh; plusieurs tribus d'Arabes et quelques centaines de Maugrabins s'y sont rendus de l'interieur de l'Afrique; Mourad-Bey s'y rend. Si ce rassemblement prenait de la consistance, il pourrait se faire que les Anglais et les Turcs y joignissent plusieurs milliers d'hommes. Nous n'avons encore, ni devant Damiette, ni devant Alexandrie, aucune espece de croisiere ennemie. On travaille tous les jours avec la plus grande activite aux fortifications d'El-Arich et de Catieh. On vous envoie tout ce qui reste du vingt-deuxieme de chasseurs et du vingtieme de dragons. Il part egalement une centaine d'hommes de votre division qui vont vous rejoindre. Si vous pouvez vous passer du bataillon de la soixante-unieme, envoyez-le ici. Le general Davoust est tombe malade et n'a pu remplir la mission que je voulais lui confier. L'etat-major n'a pas l'etat des officiers auxquels vous avez accorde de l'avancement, envoyez-le moi, ainsi que celui des soldats auxquels vous desirez qu'il soit accorde des recompenses. J'attends des nouvelles d'Europe, Le vent commence a devenir bon et nos ports sont ouverts. Au reste, Perree, avec ses trois fregates, doit y etre arrive: il etait charge de nos instructions particulieres. J'attache une importance majeure a la prompte execution du mouvement de cavalerie dont je vous ai parle plus haut. Le general Dommartin se rendant a Alexandrie sur un batiment arme, a ete attaque par les Arabes. Il est parvenu, quoique echoue, a les repousser avec la mitraille; mais il a deux blessures qui ne sont pas dangereuses. On dit que vous avez quelques gros batimens provenant des mameloucks, et quelques djermes desarmees: faites passer tout cela au Caire, nous tacherons d'en tirer parti. BONAPARTE. Au Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au scheick El-Bekir, le premier des scherifs et notre ami._ Je vous ecris la presente pour vous faire passer la demande que vous m'avez faite pour votre femme, pour dix karats de village, uniquement pour vous donner une preuve de l'estime que je fais de vous, et du desir que j'ai de voir tous vos voeux et tout ce qui peut vous rendre heureux s'accomplir. BONAPARTE. Au Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au general Reynier._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre de Seneta, du 10 messidor. Toute la cavalerie de l'armee est dans ce moment-ci dans le Rahhireh; il sera possible, cependant, de reunir une centaine de chevaux d'ici au 20, en y mettant une partie de mes guides. Faites en sorte que, ce jour-la, les cent hommes de cavalerie que vous avez soient a Belbeis, afin que ces deux cents hommes reunis, avec une piece de canon, et deux cents hommes d'infanterie puissent nettoyer l'oasis. Je confierai cette operation au general Lagrange. Le seul moyen qui vient de reussir parfaitement au general Rampon, et qui lui a fait lever en tres-peu de temps cent chevaux et tout le miri du Kelioubeh, c'est d'arreter les scheicks qui ne payent pas, et de les tenir en otages jusqu'a ce qu'ils aient donne de bons chevaux et paye le miri. Avec votre infanterie et votre piece de canon, vous en avez autant qu'il vous en faut pour ne pas vous detourner un instant de l'importante affaire de la levee du miri. Pour surprendre Elfy-Bey dans l'ouadi, il faut que les troupes partent le soir de Belbeis, marchent toute la nuit dans le desert, de maniere a arriver, a la petite pointe du jour, au santon. BONAPARTE. An Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au general Friant._ J'ai recu, citoyen general, la lettre que vous m'avez ecrite du Fayoum. La rapidite et la precision de votre marche vous ont merite la gloire de detruire Mourad-Bey. Le general Murat, qui est depuis cinq a six jours dans le Bahhireh, et que j'ai prevenu de l'intention ou etait Mourad-Bey de s'y rendre, vous le renverra probablement. L'etat-major vous ecrit pour que vous fassiez une course dans la province d'Alfieli, afin de detruire les mameloucks qui pourraient s'y etre etablis. BONAPARTE. Au Caire, le 17 messidor an 7 (5 juillet 1799). _Au general Lanusse._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 17 messidor: je suis fort aise que le village de Tatau soit innocent. Le general Friant m'instruit, par une lettre du 14, que Mourad-Bey est toujours a la fontaine de Rayenne. Il parait qu'il y est malade de sa personne. Le general Friant va se mettre en route pour le deloger. Faites passer cette lettre au general Murat, et donnez-moi exactement toutes les nouvelles que vous pourrez avoir de ce qui se passe dans le Bahhireh. Je vous ai envoye plusieurs proces-verbaux sur les assassinats commis sur nos courriers dans les villages de votre province; faites punir les scheicks de ces villages. Faites qu'avant l'inondation le miri soit leve. Envoyez-moi la note des villages qui, selon vous, ne sont pas assez taxes, afin de leur demander un supplement. J'attends les trente chevaux que je vous ai demandes. Je vais sous peu de jours me rendre a Menouf, pour, de la, reconnaitre l'emplacement d'un fort au ventre de la Vache. Faites-moi connaitre le nombre d'ouvriers que vous pourrez rassembler dans votre province, afin de pouvoir pousser vivement ce travail. Je desire fort que vous ayez la gloire de joindre Mourad-Bey. Elle serait due a l'activite et aux services que vous avez rendus pendant notre absence. Je n'ai point recu le rapport du general Destaing, qui aura probablement ete pris sur un des courriers, egares. Faites-moi part des renseignement qu'il vous aurait donnes. BONAPARTE. Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799). _Au general Fugieres._ Le nomme Achmet Abouzahra, scheick arabe, doit se rendre dans son village, ou je desire que vous le retablissiez dans ses terres et dans ses maisons. Il paiera trois mille talaris dans la caisse du payeur. Cela est soumis cependant aux renseignemens que vous aurez sur les lieux. Il est fort recommande par des gens de consideration. BONAPARTE. Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799). _Au general Murat._ Je recois, citoyen general, votre lettre sans date, par laquelle vous m'annoncez que vous avez pris plusieurs mameloucks dans un santon, et que vous vous mettez en marche pour tomber a la pointe du jour sur le rassemblement. On m'assure que Selim-Cachef, qui est votre prisonnier, est un grand coquin; mefiez-vous-en et envoyez-le moi sous bonne garde. Ne leur donnez pas un moment de relache. Si Mourad-Bey descend dans le Bahhireh, ce qui ne parait pas probable actuellement, il n'a pas avec lui plus de deux ou trois cents hommes mal armes et ecloppes. D'ailleurs, je le ferai suivre par une bonne colonne. Si vous n'avez pas encore marche sur Mariouf, je desire que vous y alliez, et, dans ce cas, que vous ordonniez au general Marmont d'y envoyer de son cote une forte colonne d'Alexandrie. Tachez de nous envoyer une cinquantaine de dromadaires, pour monter les hommes qui sont au depot. BONAPARTE. Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799). _Au general Lanusse._ Je recois votre lettre du 19, citoyen general; je crois faux les renseignements que vous avez. Mourad-Bey n'a pas bouge de la fontaine de Rayenne, situee a douze lieues de Fayoum et a quatre journees du lac Natron. Le general Friant est parti le 18, et a du arriver le 19 a la fontaine de Rayenne. Si Mourad-Bey avait pris le parti de se rendre au lac Natron, il arriverait le 22. Ainsi, sous ce point de vue, votre sejour a Terraneh peut etre utile pour remplir le but que vous vous proposez. Je ne crois pas qu'il se rende au lac Natron. Je donne ordre au commandant de la province de Gizeh de partir avec seize hommes et une piece de canon pour lever le miri dans sa province. Il combinera sa marche de maniere a etre le 22 a Wardam. Si donc vous faisiez une course au lac Natron, vous lui donneriez l'ordre de vous y suivre. C'est le chef de bataillon Faure qui commande cette province. BONAPARTE. Au Caire, le 20 messidor an 7 (8 juillet 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Le medecin en chef desire retourner en France, citoyen ordonnateur; sa demande me parait fondee sur un besoin reel de famille. Veuillez lui faire connaitre que j'ai demande au gouvernement son remplacement, je ne doute pas qu'il ne l'accorde; mais, dans tous les cas, je ne consentirai a son depart que lorsqu'il sera remplace. BONAPARTE. Au Caire, le 20 messidor an 7 (8 juillet 1799). _Au general Dugua._ Vous ferez, citoyen general, trancher la tete a Abdalla-Aga, ancien gouverneur de Jaffa, detenu a la citadelle. D'apres ce que m'ont dit les habitans de Syrie, c'est un monstre dont il faut delivrer la terre. BONAPARTE. Au Caire, le 21 messidor an 7 (9 juillet 1799). _Au general Lagrange._ Vous ferez partir ce soir, citoyen general, les deux cents hommes d'infanterie et les deux pieces de canon, qui iront coucher a Birket-el-Hadji. Ils en partiront demain pour se rendre a El-Menayer. Vous partirez avec la cavalerie demain au jour pour vous rendre a Birket-el-Hadji; vous y resterez toute la journee de demain, et vous en partirez a la nuit, pour arriver au jour au petit village a une lieue en deca de Belbeis. En passant a El-Menayer, vous prendrez notre infanterie. Vous partirez le 20, a la nuit, de ce village, pour vous rendre par le desert dans l'Ouadi, a la suite d'Elfy-Bey. Le general Reynier doit avoir envoye cent hommes de cavalerie a Belbeis pour tromper les espions; vous lui enverrez l'ordre de venir vous joindre a la nuit dans l'endroit ou vous serez: ce mouvement retrograde pourra faire croire que cette cavalerie va au Caire. Si cette cavalerie n'etait pas encore arrivee, vous donneriez l'ordre qu'elle vienne vous rejoindre. Vous ferez prendre a vos troupes pour cinq jours de vivres au Caire. Je donne ordre a l'ordonnateur de vous fournir huit chameaux, sur lesquels vous mettrez pour cinq jours de vivres. Vous aurez soin que chacun de vos hommes ait un bidon, et vous ferez mener un chameau avec des outres par cent hommes; vous prendrez pour cela les chameaux du corps. Le but de votre expedition est d'obliger Elfi-Bey de depasser El-Arich, si vous ne pouvez pas le surprendre et le detruire; de reconnaitre la route qui va a Suez sans passer par Salabiar. Il doit y avoir des puits dans cette direction. Votre colonne doit etre composee de deux cents hommes d'infanterie, de cent cinquante de cavalerie, de cent hommes de cavalerie que vous devez trouver a Belbeis, de cent Grecs a pied, commandes par le capitaine Nicolet, de trente a quarante hommes a cheval, commandes par le chef de bataillon Barthelemy. Vous aurez avec vous deux pieces d'artillerie et un ingenieur des ponts et chaussees. Vous ferez passer les ordres au chef de bataillon Barthelemy et au capitaine Nicolet de partir ce soir avec votre infanterie. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au sultan de Darfour_. Au nom de Dieu, clement et misericordieux. Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete. Au sultan de Darfour, Abd-El-Rahmons, serviteur des deux cites saintes, et calife du glorieux prophete de Dieu, maitre des mondes. Je vous ecris la presente pour vous recommander Aga-Cachef, qui est aupres de vous, et son medecin Soliman, qui se rend a Darfour et vous remettra ma lettre. Je desire que vous me fassiez passer deux mille esclaves males, ayant plus de seize ans. Croyez, je vous prie, au desir que j'ai de faire quelque chose qui vous soit agreable. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au general Dugua._ Vous ferez fusiller, citoyen general, les nommes Hassan, Jousset, Ibrahim, Saleh, Mahamet, Bekir, Hadj-Saleh, Mustapha, Mahamed, tous mameloucks. Quant aux nommes Osman, Ismael, Hussein, autres mameloucks, vous les ferez tenir en prison a la citadelle jusqu'a nouvel ordre. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au general Lanusse._ Mourad-Bey, apres avoir fait semblant de se rendre dans la Haute-Egypte, citoyen general, a fait contre-marche dans la nuit, et a couche le 22 a Zaoe. Il est passe hier, a quatre heures apres midi, a Aboukir, a trois lieues de Girgeh. On pense qu'il a ete au lac Natron. Faites passer cet avis en toute diligence au general Destaing et au general Murat: j'attends dans une heure des details ulterieurs. Il a avec lui deux cents hommes, compris les domestiques; il n'a que quarante chevaux; il est dans un grand etat de delabrement; il est vivement poursuivi par le general Friant. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au Directoire executif._ Le citoyen Venture, secretaire interprete pour les langues orientales, est mort en Syrie: c'etait un homme de merite. Il a laisse une famille qui a des titres a la protection du gouvernement. Le payeur general envoie a sa famille un bon de 12,000 fr. sur la tresorerie nationale pour une annee d'appointemens. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au general Murat._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 23 messidor, aujourd'hui a cinq heures du soir. Vous m'apprenez votre voyage au lac Natron et votre depart, a cinq heures du soir pour Terraneh, ou je suppose que vous etes arrive le 24 au matin. Vous verrez, par la copie de la lettre du general Friant, qu'il a pris quelques chameaux a Mourad-Bey, qui, apres avoir fait une marche dans la Haute-Egypte, est rapidement retourne sur ses pas, a marche trois jours et trois nuits, et est arrive hier 23 a quatre heures du soir au village de Dachour, pres les pyramides de Sahara; il en est parti a cinq heures du soir pour prendre la route du desert: on croit qu'il s'est rendu au lac Natron. Le general Junot est aux pyramides: j'ai envoye de tous cotes des hommes pour m'instruire de la marche de Mourad-Bey. Mourad-Bey a avec lui deux cents mameloucks, moitie a cheval, moitie sur des chameaux, en tres-mauvais etat, et cinquante a soixante Arabes: si le bonheur eut voulu que vous fussiez reste vingt-quatre heures de plus au lac Natron, il est tres-probable que vous nous apportiez sa tete. Vous vous conduirez selon les nouvelles que vous recevrez; vous vous rendrez au lac Natron ou sur tout autre point du Bahhireb ou vous penserez devoir vous porter pour nous debarrasser de cet ennemi si redoutable et aujourd'hui en si mauvais etat. Le general qui aura le bonheur de detruire Mourad-Bey aura mis le sceau a la conquete de l'Egypte: je desire bien que le sort vous ait reserve cette gloire. BONAPARTE. Gizeh, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au general Kleber._ L'adjudant-general Julien vous aura sans doute appris, citoyen general, la nouvelle de l'arrivee d'une flotte turque dans la rade d'Aboukir, le 24 messidor; et si la presence de l'ennemi ne vous en pas empeche, vous aurez opere votre mouvement sur Rosette, en vous portant avec la majeure partie de vos forces sur l'extremite de votre province, afin de pouvoir, dans le moins de temps possible, combiner vos mouvemens avec le reste. Je pars dans la nuit pour Terraneh, d'ou je me rendrai probablement a Rahmanieh. Il faut livrer El-Arich et Catieh a leurs propres forces; et si aucune force imposante n'a encore paru devant Damiette, vous vous porterez dans une position quelconque, le plus pres possible de Rosette. J'ai toute la journee couru les deserts, au-dela des pyramides, pour donner la chasse a Mourad-Bey. BONAPARTE. Gizeh, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au general Dugua._ Je vais, citoyen general, partir pour quelques jours. Je retournerai au Caire, aussitot que la nature des batimens qui ont paru et les forces qu'ils pourront porter me seront connues. Je vous fais passer copie de la lettre que j'ecris au general Desaix: si jamais mes expres etaient interceptes, et que vous appreniez qu'il se passe des evenemens majeurs, vous etes autorise a le faire venir. Faites-moi passer tous les dromadaires et toute la cavalerie qui viendra de la Haute-Egypte ou du general Lagrange. Vous sentez combien il est necessaire que j'aie quelques centaines d'hommes de cavalerie. Je donne ordre au payeur de vous faire solder tout ce qui vous est du pour frais de table et bureaux de la place. Quant aux generaux Reynier et Lagrange, vous verrez que je ne decide encore rien sur leur destination: je les previens seulement de se tenir prets a faire un mouvement sur moi. Comme mes ordres pourraient etre interceptes, ce sera a vous, si les circonstances l'exigent, a les en prevenir. J'ai donne ordre au capitaine Nicolet de rentrer au Caire avec ses Grecs. Envoyez plusieurs expres pour le lui reiterer. Je vous prie de faire partir demain, par terre, une copie de ma lettre au general Desaix. BONAPARTE. Au Caire, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1759). _Au citoyen Poussielgue._ Je m'eloigne pour quelques jours, citoyen administrateur; je vous prie de me donner tres-souvent des nouvelles de ce qui se passera au Caire. Je ne doute pas que vous ne contribuiez, par votre activite et votre esprit conciliateur, a y maintenir la tranquillite, comme vous l'avez fait precedemment pendant mon incursion en Syrie. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au general Kleber._ Le quartier-general est aujourd'hui, citoyen general, a Terraneh. Le general Lanusse va se reunir avec le general Fugieres et le general Robin pour former, dans le Delta, une colonne mobile, qui pourra se porter rapidement, soit sur un des points de la cote, soit sur les communications qui seraient serieusement menacees. Je compte etre le 1er thermidor a Rahmanieh. BONAPARTE. P.S. J'ai recu des lettres, du 26, d'Alexandrie, par lesquelles on m'informe qu'il avait ete apercu, depuis le 24, une flotte ennemie, composee, tant gros que petits batimens, d'une soixantaine de voiles, dont seulement cinq de guerre. Terraneh, le 29 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au general Marmont._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 24, a la pointe du jour, de Rosette. Je n'ai eu aucune sollicitude pour Alexandrie. Soutenez Rosette. Je pense que vous serez poste a Aboukir, comme vous me l'annonciez, pour tomber sur les flancs de l'ennemi, s'il osait debarquer entre Aboukir et Rosette pour tenter un coup de main. Des troupes arrivent ce soir a Rahmanieh. Je couche ici ce soir avec l'armee. Je serai, le 1er thermidor, au soir, a Rahmanieh. J'ai fait mettre garnison et des canons dans les couvens du lac Natron. Mourad-Bey, chasse, poursuivi de tous cotes, s'est retire dans le Fayoum; il a avec lui une centaine de mameloucks, 50 arabes et quarante hommes, tous extenues de fatigues et dans le dernier delabrement. Vous avez sans doute appris que le 24 du mois le general Lagrange est arrive a la pointe du jour dans les oasis situes dans le desert, entre Suez, la Syrie et Belbeis, a surpris deux cents mameloucks, tue Osman-Bey-Cherkaoui, un des coryphees du pays, et pris sept cents chameaux. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). _A Moussa, chef de la tribu des Annadis._ Nous vous faisons savoir par une lettre, que nous sommes arrives aujourd'hui a Terraneh avec l'armee, pour nous porter dans le Bahhireh, afin de pouvoir aneantir d'un seul coup nos ennemis, et confondre tous les projets qu'ils pourraient avoir concus. Nous desirons que vous nous envoyiez, pour le premier thermidor au soir, a Rahmanieh, quelqu'un de votre part pour nous donner des nouvelles de tout ce qui se passe a Marion et dans le desert, ainsi que de tout ce qui serait a votre connaissance. Nous desirons aussi vous voir bientot, avec bon nombre de vos gens, pour eclairer notre armee. Recommandez a tous vos Arabes de se bien comporter, afin qu'ils meritent toujours notre protection. J'ai fait occuper par nos troupes, et mettre des canons dans les couvens du lac Natron. Il sera donc necessaire, quand quelqu'un de votre tribu ira, qu'il se fasse reconnaitre, car j'ai ordonne qu'ils soient traites comme amis. Faites connaitre le contenu de cette lettre a tous les scheicks, sur qui soit le salut. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). PROCLAMATION. Il n'y a d'autre dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete. Aux scheicks, ulemas, scherifs, imans et fellahs de la province de Bahhireh. Tous les habitans de la province de Bahhireh meriteraient d'etre chaties; car les gens eclaires et sages sont coupables lorsqu'ils ne contiennent pas les ignorans et les mechans. Mais Dieu est clement et misericordieux, le prophete a ordonne, dans presque tous les chapitres du Koran, aux hommes sages et bons d'etre clement et misericordieux: je le suis envers vous. J'accorde par le present firman un pardon general a tous les habitans de la province de Bahhireh qui se seront mal comportes, et je donne des ordres pour qu'il ne soit forme contre eux aucune recherche. J'espere que desormais le peuple de la province de Bahhireh me fera sentir par sa conduite qu'il est digne de pardon. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). _Au general Dugua._ Le nombre des vaisseaux ennemis, citoyen general, s'est augmente d'une quinzaine de batimens legers. Vous sentez combien il serait necessaire de presser le depart de tous les hommes disperses. J'espere que le general Lagrange sera parti du Caire pour l'armee quand vous recevrez ceci. Il y a beaucoup de chefs de bataillon qui ne sont pas a leurs corps, parce qu'ils sont un peu incommodes, et qui ont pense que ce n'etait seulement qu'une course contre les Arabes. Faites que tous ces hommes nous rejoignent; il est essentiel que tout cela marche en corps: j'estime que les detachemens doivent etre au moins de deux cents hommes. Ecrivez au general Desaix les nouvelles que je recois, et que j'imagine que la colonne mobile contre Mourad-Bey est partie, et qu'il presse le depart de la cavalerie que je lui ai demandee. Des que le bataillon de la 22e, ainsi que le general Rampon et sa colonne, seront arrives au Caire, qu'il file en toute diligence sur Rahmanieh. Instruisez le general Reynier qu'il est necessaire qu'il reunisse la garnison de Salahieh, en y laissant en tout, compris sapeurs et canonniers, cent vingt hommes, et qu'il soit pret, a tout evenement, a se porter de Belbeis par le Delta sur Rahmanieh: vous lui enverrez tous les grenadiers et l'artillerie de sa division. Il pourra aussi m'amener un millier d'hommes, qui pourront m'etre d'un grand secours. Si dans trente-six heures vous ne recevez pas de lettre de moi, vous ordonnerez ce mouvement. Envoyez un des generaux qui sont au Caire en convalescence pour commander a Gizeh. Faites partir les deux demi-galeres et la chaloupe canonniere _la Victoire_ pour Rahmanieh. Faites-y embarquer deux mille paires de souliers. Envoyez-nous sous leur escorte a Rahmanieh encore deux ou trois cent mille rations de biscuit et de la farine: l'ordonnateur en chef donne des ordres pour cet objet. Le convoi escorte par les trois djermes _la Venitienne,_ etc., n'est pas encore arrive. Je serai le 1er thermidor au soir a Rahmanieh. Je vous expedierai constamment deux courriers par jour. Si les Anadis continuent a nous rester fideles, vous ne manquerez pas de nouvelles. Le citoyen Rosetti peut vous servir beaucoup en cela: ayez cependant l'oeil sur les demarches de cet homme. Selim-Cachef, le dernier qui est venu du Bahhireh, m'est represente comme un homme extremement dangereux; faites-le appeler, dites-lui que comme je vais dans le Bahhireh, je desire l'avoir avec moi, a cause de ses connaissances locales, et sur ce faites-le embarquer sur une des demi-galeres, en le consignant au commandant et lui recommandant d'avoir pour lui quelques egards: que cependant il en repond comme d'une chose capitale. Faites fusiller les prisonniers qui se permettront le moindre mouvement. Fixez les yeux sur les approvisionnemens de la citadelle de Gizeh, Ibrahim-Bey et des petits forts. Faites connaitre au divan que, vu les troubles survenus dans le Bahhireh et le grand nombre de mecontens qui s'y trouvent, j'ai juge a propos de m'y rendre moi-meme. Quant aux batimens qu'ils pourraient savoir etre sur la cote, dites que nous croyons que ce sont des Anglais, et que l'on dit que la paix est faite entre les deux puissances. Dites que vous savez que je leur ai ecrit, et sur ce demandez-leur s'ils ont recu ma lettre: montrez-leur ma proclamation aux habitans du Bahhireh; amusez-les avec l'expedition du general Menou au lac Natron et du general Destaing a Mariouf. BONAPARTE. Au Caire, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). _Au general Desaix._ Mourad-Bey a ete au lac Natron, citoyen general; il n'a pas trouve le rassemblement des bayouchi et des mameloucks: il est retourne: il a couche la nuit du 25 au 26 aux pyramides. Bertram, chef des Arabes, lui a fourni ce dont il avait besoin: il a disparu. Il est, a ce que mande le general Murat, au village de Dachour, a six ou sept heures d'ici: cela me contrarie beaucoup. Le 24, une flotte turque, composee de cinq vaisseaux de ligne, trois fregates, cinquante a soixante batimens legers ou de transport, a mouille dans la rade d'Aboukir. Je n'ai des nouvelles de Damiette que du 23. Ibrahim-Bey est a Gaza, ou il menace. Le general Lagrange a nettoye les ouadis, pres le camp des mameloucks, descendus de la Hautes-Egypte, tue Osman-Bey-Cherkaoui et chasse le reste dans le desert; mais il occupe le reste de ma cavalerie: ainsi il faut, dans ce moment, contenir Mourad-Bey qui est sur la lisiere de la province de Gizeh, Osman-Bey, etc., et pourvoir au debarquement. Vous voyez qu'il est necessaire de prendre des mesures promptes et essentielles. Je suis fache que le general Friant n'ait pas suivi Mourad-Bey, ou du moins il ne devait pas, etant a portee du Caire, s'en eloigner sans savoir ce que j'en pensais. Il faut vous approcher de Benecouef, reunir toutes vos troupes en echelon, de maniere a pouvoir en peu de jours, etre au Caire, avec la premiere colonne et les suivantes, a trente-six heures d'intervalle les unes des autres; tenir a Cosseir cent hommes, autant dans le fort de Keneh. Si le debarquement est une chose serieuse, il faudra evacuer la Haute-Egypte, laissant vos depots en garnison dans vos forts; s'il n'est compose que de cinq ou six mille hommes, alors il faut que vous envoyiez une colonne pour contenir Mourad-Bey, le suivre partout ou il descendra, dans le Bahhireh, le Delta, la Scharkieh ou dans la province de Gizeh. Pour ce moment, mon intention est que vous vous prepariez a un grand mouvement, et que vous vous contentiez de faire partir de suite une colonne pour poursuivre Mourad-Bey. Vous la dirigerez sur Gizeh. Je pense que vous aurez fait partir tous les hommes des septieme de hussards, quatorzieme, troisieme et quinzieme de dragons: nous en avons bien besoin. Je vais me porter dans le Bahhireh, avec cent hommes de mes guides, pour toute cavalerie. Je suis fache que Destree ne soit pas parti avec son regiment. BONAPARTE. Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799). _Au general Kleber._ Nous arrivons a Rahmanieh, citoyen general; l'adjudant-general Jullien m'apprend que l'avant-garde de votre division arrive a Rosette, et que vous-meme n'en etes pas eloigne avec le reste de votre division. Il parait que l'ennemi a decidement debarque a Aboukir, et est dans ce moment maitre de la redoute. Ma ligne d'operation sera Alexandrie, Birket et Rosette. Je me tiendrai avec la masse de l'armee a Birket. Le general Marmont est a Alexandrie, et vous vous trouverez a Rosette l'un et l'autre ayant a peu pres autant de monde, de sorte que vous vous trouvez former la droite, le general Marmont la gauche, et je suis au centre. Si l'ennemi est en force, je me battrai dans un bon champ de bataille, ayant avec moi ou ma droite ou ma gauche: celle des deux qui ne pourra pas etre avec moi, je tacherai qu'elle puisse arriver pour servir de reserve. Birket est a une lieue de la hauteur d'Elouah et a une lieue du village de Becentor, village assez considerable. Prenez tous les renseignemens necessaires sur la situation d'Efkout, village sur la route de Rosette a Aboukir par rapport a Birket, et tachez de vous organiser de maniere a pouvoir au premier ordre vous porter le plus promptement possible a Efkout ou a Birket, et comme il serait possible que nos communications fussent interceptees, tachez d'avoir beaucoup de monde en campagne pour savoir ce que je fais et ou je suis, afin que s'il arrivait des cas ou il n'y eut pas d'inconvenient a un mouvement et ou des avis vous feraient penser que j'ai du vous ordonner de le faire, vous le fassiez. Vous trouverez a Rosette quelques pieces de campagne dont vous pourrez vous servir. Je vous envoie quatre copies de cette lettre, afin qu'elle vous parvienne. Quelque chose qui arrive, je compte entierement sur la bravoure de seize a dix-huit mille hommes que vous avez avec vous: je ne pense pas que l'ennemi en aurait autant, quand meme ces cent batimens seraient charges de troupes. BONAPARTE. Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799). _Au divan de Rosette._ Je vous ecris cette lettre pour vous faire connaitre que je suis arrive a Rahmanieh, et que je me dispose a me porter contre ceux qui voudraient troubler la tranquillite de l'Egypte. Depuis assez long-temps l'Egypte a ete sous le pouvoir des mameloucks et des osmanlis, qui ont tout detruit et tout pille. Dieu l'a mise en mon pouvoir, afin que je lui fasse reprendre son ancienne splendeur. Pour accomplir ses volontes, il m'a donne la force necessaire pour aneantir tous nos ennemis. Je desire que vous teniez note de tous les hommes qui dans cette circonstance se conduiront mal, afin de pouvoir les chatier exemplairement. Je desire egalement que vous me fassiez passer deux fois par jour des expres, pour me faire savoir ce qui se passe, et que vous envoyiez a Aboukir des gens intelligens pour en etre instruits. Le general Abdallah Menou va se rendre a Rosette. BONAPARTE. Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799). _Au general Marmont._ Les divisions Rampon et Lannes, citoyen general, achevent d'arriver aujourd'hui. Le general Murat, avec la soixante-neuvieme, la cavalerie, un escadron de dromadaires et de l'artillerie, sera cette nuit sur la hauteur d'Ellouah. Si l'ennemi a pris Aboukir, envoyez la cavalerie et les dromadaires a Birket avec deux pieces de 8 bien approvisionnees, mon intention etant au prealable de reunir toute la cavalerie de l'armee. Si l'ennemi n'a pas pris Aboukir, mais qu'il y ait une necessite imminente de le secourir, partez; le general Murat a ordre de vous seconder. Si Aboukir peut attendre encore que je prenne un parti moi-meme, faites en sorte que j'aie demain au soir des nouvelles positives de l'etat des choses. Je n'attends que ce rapport et la journee de demain pour le repos des troupes, pour marcher. Dans ces deux cas, preparez votre artillerie de campagne et vos obusiers. Dans tous les cas, vous recevrez un renfort de canonniers. Les rassemblemens du Bahhireh ayant ete absolument detruits, Mourad poursuivi, reduit a une poignee de monde, ne sachant ou se refugier, je regarde l'operation des ennemis comme entierement manquee. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _A l'adjudant-general Jullien._ J'ai recu, citoyen commandant, des nouvelles d'Alexandrie; l'ennemi n'a encore fait aucun mouvement; on croit que le fort d'Aboukir tient toujours. J'attends ce soir le general Menou avec une colonne. Envoyez tous les jours des reconnaissances, afin que je puisse etre prevenu a temps si l'ennemi faisait un mouvement sur vous. J'attends ce soir quatre cents hommes de cavalerie, et dans quelques jours autant: alors il y aura des postes en echelons jusqu'au debouche du lac Madieh, qui vous couvriront; mais jusqu'alors, envoyez tous les matins de fortes reconnaissances pour me prevenir a temps; et, pour vous, rentrez dans votre fort. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au general Murat._ J'attends ce soir, citoyen general, le chef de brigade Duvivier avec les cent soixante hommes qu'avait le general Lagrange, et deux cents hommes des septieme hussards, quatorzieme et quinzieme de dragons, venant de la Haute-Egypte, et qui etaient arrives le 29 a Boulac. Le chef de brigade Destrees arrivera trois jours apres avec deux cents hommes. J'ai eu des nouvelles de Rosette en date d'hier au matin; il n'y avait rien de nouveau. Je fais partir ce soir cent canonniers, et j'envoie cent hommes de troupes de la garnison d'Alexandrie pour s'y rendre; je vous les adresse pour que vous regliez la marche pour le passage. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au general Dugua._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 30. J'attends avec la plus grande impatience la cavalerie que vous m'annoncez. Le general Reynier a du vous envoyer tous les hommes du quatorzieme qu'il a. Bessieres m'assure qu'une trentaine de mes guides seraient disponibles en leur donnant des chevaux. Ecrivez a Destrees d'activer sa marche avec le plus de monde qu'il pourra. La trente-deuxieme et la dix-huitieme ont laisse, a elles deux, plus de six cents hommes au Caire. Si vous ne faites pas partir tous ces hommes de suite, je me trouverai avec fort peu de monde. Faites une revue scrupuleuse, et que tout ce qui appartient a la vingt-deuxieme, meme le bataillon qui doit etre arrive de Benecouef, a la dix-huitieme, a la trente-deuxieme, a la treizieme, a la soixante-neuvieme, parte sans le moindre delai. Le general Rampon aura sans doute, a l'heure qu'il est, depasse le Caire. Il avait avec lui soixante hommes d'artillerie a cheval qu'il faut m'envoyer. Faites partir le chef de bataillon Faure avec cent canonniers qui sont necessaires pour jeter dans Alexandrie. L'ennemi debarque toujours a Aboukir. J'ai trouve ici et a Rosette des pieces de campagne. Je m'organise. J'ai ete joint par les generaux Lanusse, Robin et Fugieres. On a cependant laisse a Menouf une centaine d'hommes. J'attends aujourd'hui a midi le general Menou qui est de retour du lac Natron. Je vous envoie une lettre que vous remettrez au divan du Caire. Que tous les envois que vous me faites soient toujours de deux cent cinquante a trois cents hommes, afin d'eviter toute espece d'accidens. Je demande au payeur de nous envoyer 100,000 fr.; il sera bon alors pour l'escorte de profiter d'un moment ou vous aurez quatre cents hommes a nous envoyer. Je vous recommande de nous envoyer jour par jour, et meme deux fois par jour, les hommes qui doivent nous rejoindre: vous en sentez l'importance. Toutes les heures il peut y avoir une affaire decisive, et dans le petit nombre de troupes que j'ai, trois cents hommes ne sont pas une faible chance. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au divan du Caire._ Choisis parmi les gens les plus sages, les plus instruits et les plus eclaires, que le salut du prophete soit sur eux! Je vous ecris cette lettre pour vous faire connaitre qu'apres avoir fait occuper le lac Natron, et presque le Bahhireh, pour rendre la tranquillite a ce malheureux pays et punir nos ennemis, nous nous sommes rendus a Rahmanieh. Nous avons accorde un pardon general a la province, qui est aujourd'hui parfaitement tranquille. Quatre-vingts batimens, petits et gros, se sont presentes pour attaquer Alexandrie; mais, ayant ete accueillis par des bombes et des boulets, ils ont ete mouiller a Aboukir, ou ils commencent a debarquer. Je les laisse faire, parce que mon intention est, lorsqu'ils seront tous debarques, de les atteindre, de tuer tout ce qui ne voudra pas se rendre, et de laisser la vie aux autres pour les mener prisonniers, ce qui fera un beau spectacle pour la ville du Caire. Ce qui avait conduit cette flotte ici, etait l'espoir de se reunir aux mameloucks et aux Arabes pour piller et devaster l'Egypte. Il y a sur cette flotte des Russes, qui ont en horreur ceux qui croient a l'unite de Dieu, parce que, selon leurs mensonges, ils croient qu'il y en a trois. Mais ils ne tarderont pas a voir que ce n'est pas le nombre des dieux qui fait la force, et qu'il n'y en a qu'un seul, pere de la victoire, clement et misericordieux, combattant toujours pour les bons, confondant les projets des mechans, et qui, dans sa sagesse, a decide que je viendrais en Egypte pour en changer la face, et substituer a un regime devastateur un regime d'ordre et de paix. Il donne par la une marque de sa haute puissance: car ce que n'ont jamais pu faire ceux qui croient a trois, nous l'avons fait, nous qui croyons qu'un seul gouverne la nature et l'univers. Et, quant aux musulmans qui pourraient se trouver avec eux, ils seront reprouves, puisqu'ils se sont allies, contre l'ordre du prophete, a des puissances infideles et a des idolatres. Ils ont donc perdu la protection qui leur aurait ete accordee; ils periront miserablement. Le musulman qui est embarque sur un batiment ou est arbore la croix, celui qui tous les jours entend blasphemer contre le seul Dieu, est pire qu'un infidele meme. Je desire que vous fassiez connaitre ces choses aux differens divans de l'Egypte, afin que les malintentionnes ne troublent pas la tranquillite des differentes villes: car ils periront comme Dahmanour et tant d'autres, qui, par leur mauvaise conduite, ont merite ma vengeance. Que le salut de paix soit sur les membres du divan! BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au general Dugua._ Tous les drogmans, citoyen general, nous ont manque: ces messieurs ont probablement assez vole. Je vous prie de faire arreter le citoyen Bracevich, et en general tous les drogmans des generaux qui sont ici, de les embarquer sur une djerme armee, et de les envoyer a Rahmanieh. Le citoyen Poussielgue a deux jeunes gens de ceux que j'avais amenes de France, je vous prie de m'envoyer le plus intelligent. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au general Marmont._ Un renfort de canons, citoyen general, quelques hommes epars de votre garnison, et, ce qui est plus precieux encore, le citoyen Faultrier, partent pour vous rejoindre. Le general Murat, qui est parti hier pour reconnaitre l'ennemi a Aboukir et prendre position a Birket, aura deja communique avec vous, et vous aura fait passer mes depeches. Le general Menou part dans l'instant meme pour prendre le commandement de Rosette et de la province. Gardez-vous avec la plus grande vigilance; ne dormez que de jour; baraquez vos corps tres a portee; faites battre la diane bien avant le jour; exigez qu'aucun officier, surtout officier superieur, ne se deshabille la nuit; faites battre souvent de nuit l'assemblee ou toute autre sonnerie convenue, pour voir si tout le monde connait bien le poste qui lui a ete designe, et reservez la generale pour les alertes reelles. Il doit y avoir a Alexandrie une grande quantite de chiens dont vous pouvez aisement vous servir en en liant un grand nombre a une petite distance de vos murailles. Relisez avec soin le reglement sur le service des places assiegees: c'est le fruit de l'experience, il est rempli de bonnes choses. L'etat-major vous envoie les signaux convenus pour pouvoir communiquer pendant le siege ou le blocus, si le cas arrivait. Si d'Aboukir ils vous ecrivent pour vous sommer de vous rendre, faites beaucoup d'honnetetes au parlementaire; faites-leur sentir que l'usage n'est pas de rendre une place avant qu'elle soit investie, que s'ils l'investissent, alors vous pourrez devenir plus traitable; poussez cette negociation aussi loin que vous pourrez, car je regarderais comme un grand bonheur, si la facilite avec laquelle ils ont pris Aboukir pouvait les porter a vous bloquer: ils seraient alors perdus. Sous peu de jours, j'aurai ici un millier d'hommes de cavalerie. S'ils ne vous font pas de proposition, et que vous ayez une ouverture naturelle de traiter avec eux, vous pourriez les tater. La transition alors pourrait etre de connaitre la capitulation d'Aboukir, les suretes qu'on a donnees a la garnison de passer en France, et si on tiendra cette promesse: ce qui, naturellement, vous mene a pouvoir faire sentir que vous les trouvez tres-heureux. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au general Menou._ Arrive a Rosette, citoyen general, votre premiere sollicitude sera de debarrasser le fort de tout ce qui l'encombre, vivres, artillerie, malades, d'envoyer tout a Rahmanieh. Le general Kleber doit avoir opere son mouvement sur Rosette. Ma ligne d'operations est Alexandrie, Birket et Rosette. Il faut que vous designiez d'abord une garnison raisonnable pour le fort, qu'avec le reste vous vous teniez toujours organise pour pouvoir vous porter sur Birket, qui est le point de toutes mes operations. Faites partir demain soir de Rosette trente chameaux charges de riz pour Birket, et dix charges de biscuit: ce sera un grand service que vous me rendrez. Les chameaux retourneront pour faire un second voyage. Si vous pouvez aussi nous y faire passer vingt mille cartouches, cela nous rendra un service essentiel. Les cent hommes que vous chargerez de cette escorte, formeront une premiere patrouille de Rosette a Birket. Entretenez une correspondance tres-active avec le general Kleber, et faites ecrire par le divan de Rosette aux divans de Garbieh, Menouf et Damiette, pour leur donner les nouvelles telles qu'elles sont, et detruire les faux bruits qui pourraient circuler. Si l'ennemi faisait un mouvement en force sur Rosette, et que vous ne vous jugiez pas suffisant pour pouvoir le culbuter, vous vous renfermeriez dans le fort, et vous attendriez qu'une colonne partie de Birket se portat sur Ef-Kout pour prendre l'ennemi en flanc et par ses derrieres; il en echapperait fort peu. Si le bataillon de Rosette vous avait rejoint, vous laisseriez l'adjudant-general Jullien dans le fort, et vous opereriez votre retour sur Birket ou Rahmanieh. Des l'instant que la cavalerie que j'attends sera arrivee, il y aura de tres-frequentes patrouilles de Birket a Ef-Kout et a Rosette. Au reste, dans toutes les circonstances qui peuvent arriver, le principal but, si vous etes attaque serieusement, c'est de defendre le fort de Rosette, afin que l'ennemi n'ait pas l'embouchure du Nil; le second but est d'empecher l'ennemi d'arriver a Rosette. Vous vous trouverez, avec une piece de canon et votre garnison, a meme de vous opposer a un detachement de quatre a cinq cents hommes qui voudraient passer Rosette. Enfin de vous trouver pret, avec la colonne dont vous pouvez disposer, a me rejoindre sur le point de Birket. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au divan de Rosette._ Dieu est grand et misericordieux. Au divan de Rosette, choisi parmi les plus sages et les plus justes. J'ai recu vos lettres et j'en ai compris le contenu. J'ai appris avec plaisir que vous avez les yeux ouverts pour maintenir tout le monde de la ville de Rosette dans le bon ordre. Le general Menou partira ce soir avec un bon corps de troupes; je porterai moi-meme mon quartier-general a Birket, ou je vous prie de m'envoyer les renseignement que vous pourrez avoir. Faites une circulaire pour faire connaitre a tous les villages de la province, que heureux ceux qui se comporteront bien et contre qui je n'ai pas de plainte a faire: car ceux qui sont mes ennemis periront indubitablement. Que le salut du prophete soit sur vous. BONAPARTE. Rahmanieh, le 4 thermidor an 7 (23 juillet 1799). _Au general Desaix._ L'ennemi, citoyen general, a ete renforce de trente batimens, ce qui fait cent vingt ou cent trente batimens existans dans la rade d'Aboukir, et il est maitre de la redoute et du fort d'Aboukir depuis le 23 messidor. Je pars aujourd'hui pour aller reconnaitre sa position et voir s'il est possible de l'attaquer et culbuter dans la mer: car il parait qu'il ne veut pas se hasarder a attaquer Alexandrie, et qu'il se contente, en attendant qu'il connaisse les mouvemens de Mourad-Bey et d'Ibrahim-Bey, de se fortifier dans la presqu'ile d'Aboukir. Je desirerais bien avoir la cavalerie que je vous ai demandee, si je reste en position devant lui, parce que sa position serait telle qu'il serait impossible de l'attaquer. Le general Friant sera sans doute a la suite de Mourad-Bey: vous serez reunis de maniere a pouvoir vous porter promptement au Caire. Je desire que vous vous y portiez de votre personne avec votre premiere colonne: vous vous ferez remplacer a Benecouef par votre seconde colonne. Arrive au Caire, vous reunirez ce qui s'y trouve de la division Reynier, pour vous trouver a meme de marcher a Ibrahim-Bey s'il passait le desert sans toucher a El-Arich ni a Catieh; il devrait avoir, dans cette hypothese, un millier de chameaux avec lui, et des l'instant qu'il aurait touche eux terres d'Egypte, ce qui pourrait etre entre Belbeis et le Caire, il faudrait marcher a lui. La garnison du Caire trouvera dans les forts un refuge certain, qui contiendront la ville, quelque evenement qu'il puisse arriver. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au general Desaix._ Vous aurez appris, par l'etat-major, les succes de la bataille d'Aboukir: de quinze mille hommes qui etaient debarques, mille sont restes sur le champ de bataille, huit mille se sont noyes en voulant rejoindre a la nage leur escadre, qui etait si eloignee, que pas un n'a pu arriver; trois mille sont cernes dans le chateau, six mortiers tirent dessus; cinq cents hommes se sont noyes hier en voulant rejoindre leur escadre. Il y a deja eu plusieurs parlementages pour se rendre; mais ils sont dans la plus grande anarchie. Le pacha est prisonnier: c'est ce si celebre Mustapha qui a battu les Russes plusieurs fois la campagne passee. Nous avons pris plus de deux cents drapeaux, et quarante canons de campagne, la plupart de 4 de modele francais. Le general Fugieres et le general Murat, le chef de brigade Morangie et Cretin ont ete blesses: ce dernier est mort; le chef de brigade Duvivier a ete tue, ainsi que l'adjudant-general Leturc, et mon aide-de-camp Guibert. La cavalerie s'est couverte de gloire: nous avons eu cent hommes tues et quatre cents blesses. Si vous etes au Caire, retournez le plus tot possible dans la Haute-Egypte, pour y achever la levee des impositions et des six cents dromadaires; je vous recommande surtout de faire filer les hommes du septieme de hussards, du troisieme, du quatorzieme et quinzieme de dragons. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au general Reynier._ Vous avez recu en route, citoyen commandant, l'ordre de retourner dans la Scharkieh. Ne perdez pas un instant, puisque l'inondation approche, pour lever les impositions. L'ennemi avait debarque quinze mille hommes a Aboukir, pas un ne s'est echappe; plus de huit mille hommes se sont noyes en voulant rejoindre les batimens: leurs cadavres ont ete jetes sur la cote au meme endroit ou furent, l'annee derniere, jetes les cadavres anglais et francais. Le pacha a ete fait prisonnier. L'on m'assure que le visir, avec huit mille hommes, est arrive a Damas; et qu'il avait le projet de se rendre dans la Scharkieh. Aux moindres nouvelles que vous en auriez, reunissez toute votre division a Belbeis; ayez soin que Salahieh soit approvisionne; faites-y une visite pour activer les travaux de maniere que les redoutes soient a l'abri d'un coup de main. Je donne ordre pour qu'on vous fasse passer de Rahmanieh un obusier et une piece de 8; nous ne manquons pas de pieces de 4, car nous en avons pris trente a l'ennemi; nous avons eu cent hommes tues et quatre cents blesses; Murat, Fugieres, Morangie sont des seconds; Leturc, Cretin, Duvivier et mon aide-de-camp Guibert, sont des premiers. Le bataillon de la quatre-vingt-cinquieme, qui est a Rosette, va retourner au Caire. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au general Dugua._ L'etat-major vous aura instruit du resultat de la bataille d'Aboukir, c'est une des plus belles que j'aie vues; de l'armee ennemie debarquee, pas un homme ne s'est echappe. Le bataillon de la quatre-vingt-cinquieme part de Rosette pour se rendre au Caire. Aux moindres nouvelles de Syrie, reunissez toutes les troupes de la division Reynier a Belbeis. J'ecris au general Desaix de retourner dans la Haute-Egypte. Le general Lanusse se rend a Menouf. Le general Kleber sera a Damiette lorsque vous recevrez cette lettre. Je reste ici quelques jours pour debrouiller ce chaos: d'Alexandrie, au moindre evenement, je puis etre au Caire dans trois jours. Comme il est possible que je passe par Rosette, envoyez-m'y les depeches importantes, que vous m'adresseriez par duplicata. Je pense rester a Alexandrie jusqu'au 12. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au general Menou._ La place d'Aboukir est un poste important, je n'ai pas cru pouvoir la confier en meilleures mains que celles de l'adjudant-general Jullien. Le bataillon de la soixante-neuvieme va se rendre aupres de vous pour remplacer celui de la quatre-vingt-cinquieme, qu'il est tres-urgent de faire passer au Caire. Dix-huit vaisseaux de guerre francais ont passe de Brest a Toulon, ou ils sont bloques par l'escadre anglaise. L'hiver les fera arriver. Restez a votre position jusqu'a ce que le fort soit pris. La moitie de la garnison veut se rendre, et l'autre moitie aime mieux se noyer. Ce sont des animaux avec lesquels il faut beaucoup de patience. Au reste, la reddition ne nous coutera que des boulets. BONAPARTE. Au quartier-general d'Alexandrie, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au Directoire executif._ _Bataille d'Aboukir._ Je vous ai annonce, par ma depeche du 21 floreal, que la saison des debarquemens me determinait a quitter la Syrie. Le 23 messidor, cent voiles, dont plusieurs de guerre, se presentent devant Alexandrie, et mouillent a Aboukir. Le 27, l'ennemi debarque, prend d'assaut, et avec une intrepidite singuliere, la redoute palissadee d'Aboukir. Le fort capitule; l'ennemi debarque son artillerie de campagne, et, renforce par cinquante voiles, il prend position, sa droite appuyee a la mer, sa gauche au lac Maadieh, sur de hautes collines de sable. Je pars de mon camp des Pyramides le 27, j'arrive le 1er thermidor a Rahmanieh, je choisis Birket pour le centre de mes operations, et, le 7 thermidor, a sept heures du matin, je me trouve en presence de l'ennemi. Le general Lannes marche le long du lac, et se range en bataille vis-a-vis la gauche de l'ennemi, dans le temps que le general Murat, qui commande l'avant-garde, fait attaquer la droite par le general Destaing: il est soutenu par le general Lanusse. Une belle plaine de quatre cents toises separe les ailes de l'armee ennemie; notre cavalerie y penetre, et, avec la rapidite de la pensee, se trouve sur les derrieres de la gauche et de la droite de l'ennemi, qui, sabre, culbute, se noie dans la mer: pas un n'echappe. Si c'eut ete une armee europeenne, nous eussions fait trois mille prisonniers: ici ce furent trois mille hommes morts. La seconde ligne de l'ennemi, situee a cinq ou six cents toises, occupe une position formidable. L'isthme est la extremement etroit; il etait retranche avec le plus grand soin, flanque par trente chaloupes canonnieres: en avant de cette position, l'ennemi occupait le village d'Aboukir, qu'il avait crenele et barricade. Le general Murat force le village, le general Lannes, avec la vingt-deuxieme et une partie de la soixante-neuvieme, se porte sur la gauche de l'ennemi; le general Fugieres, en colonnes serrees, attaque la droite. La defense et l'attaque sont egalement vives, mais l'intrepide cavalerie du general Murat a resolu d'avoir le principal honneur de cette journee; elle charge l'ennemi sur sa gauche, se porte sur les derrieres de la droite, la surprend a un mauvais passage; et en fait une horrible boucherie. Le citoyen Bernard, chef de bataillon de la soixante-neuvieme, et le citoyen Baylle, capitaine de grenadiers de cette demi-brigade, entrent les premiers dans la redoute, et par la se couvrent de gloire. Toute la seconde ligne de l'ennemi, comme la premiere, reste sur le champ de bataille ou se noie. Il reste a l'ennemi trois mille hommes de reserve qu'il a places dans le fort d'Aboukir, situe a quatre cents toises derriere la seconde ligne; le general Lanusse l'investit: on le bombarde avec six mortiers. Le rivage, ou, l'annee derniere, les courans ont porte les cadavres anglais et francais, est aujourd'hui couvert de ceux de nos ennemis: on en a compte plusieurs milliers: pas un seul homme de cette armee ne s'est echappe. Kuceii Mustapha, pacha de Romelie, general en chef de l'armee, et cousin germain de l'ambassadeur turc a Paris, est prisonnier avec tous ses officiers: je vous envoie ses trois queues. Nous avons eu cent hommes tues, et cinq cents blesses. Parmi les premiers, l'adjudant-general Leturcq, le chef de brigade Duvivier, le chef de brigade Cretin, et mon aide-de-camp Guibert. Les deux premiers etaient deux excellens officiers de cavalerie, d'une bravoure a toute epreuve, que le sort de la guerre avait long-temps respectes; le troisieme etait l'officier du genie que j'ai connu qui possedait le mieux cette science difficile, et dans laquelle les moindres bevues ont tant d'influence sur le resultat des campagnes et les destinees des etats: j'avais beaucoup d'amitie pour le quatrieme. Les generaux Murat et Fugieres, et le chef de brigade Morangie, ont ete blesses. Le general Fugieres a eu le bras gauche emporte d'un coup de canon; il crut mourir: _General,_ me dit-il, _vous envierez un jour mon sort, je meurs_ _sur le champ d'honneur_. Mais le calme et le sang-froid, premieres qualites d'un veritable soldat, l'ont deja mis hors de danger; et, quoiqu'il ait ete ampute a l'epaule, il sera retabli avant quinze jours. Le gain de cette bataille est du principalement au general Murat: je vous demande pour ce general le grade de general de division; sa brigade de cavalerie a fait l'impossible. Le chef de brigade Bessieres, a la tete des guides, a soutenu la reputation de son corps; l'adjudant-general de cavalerie Roize a manoeuvre avec le plus grand sang-froid: le general Junot a eu son habit crible de balles. Je vous enverrai dans quelques jours de plus grands details, avec l'etat des officiers qui se sont distingues. J'ai fait present au general Berthier, de la part du directoire executif, d'un poignard d'un beau travail, comme marque de satisfaction des services qu'il n'a cesse de rendre pendant toute la campagne. BONAPARTE Alexandrie, le 10 thermidor an 7 (28 juillet 1799). _Au citoyen Faultrier._ Independamment, citoyen general, des quatre pieces de 24, des deux mortiers a la Gomere, de douze pouces, et des deux mortiers de 10 pouces a grande portee, j'ordonne qu'on vous fasse encore passer deux pieces de 24. Il faut les placer de maniere a raser les maisons qui sont hors du fort. Arrangez-vous de maniere a tirer cent vingt bombes par mortier dans vingt-quatre heures: c'est le seul moyen d'avoir quelque bon resultat. J'ordonne qu'on fasse partir cent cinquante marins pour servir aux travaux. Il faut decidement eloigner les chaloupes canonnieres, raser les maisons du village, et de vos sept mortiers accabler le fort de bombes. J'espere que, dans la matinee ou demain tout ce resultat sera rempli. Vous aurez par la rendu un grand service. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 thermidor an 7 (2 aout 1799). Au general Dugua. Le fort d'Aboukir, citoyen general, ou l'ennemi avait sa reserve pendant la bataille, et qui avait ete renforce par quelques fuyards, vient de se rendre. Nous n'avons pas cesse de lui jeter des bombes avec sept mortiers, et nous l'avons entierement rase avec huit pieces de 24. Nous avons fait deux mille cinq cents prisonniers, parmi lesquels se trouvent le fils du pacha et plusieurs de leurs grands: independamment de cela, il y a un grand nombre de blesses et une quantite infinie de cadavres. Ainsi, de quinze a dix-huit mille hommes qui avaient debarque en Egypte, pas un homme n'a echappe; tout a ete tue dans les differentes batailles, noye ou fait prisonniers. Je laisse un millier de ces derniers pour les travaux d'Alexandrie, le reste file sur le Caire. Le 18, nous serons tous a Rahmanieh. Faites mettre les Anglais au fort de Sullowski; faites preparer un logement a la citadelle pour le pacha, son fils, le grand tresorier, une trentaine de grands, et a peu pres deux cents officiers du grade de colonel jusqu'a celui de capitaine. S'il est necessaire, vous pourrez mettre les prisonniers arabes dans un autre fort. Quant aux soldats, j'en enverrai du Caire a Damiette, Belbeis, Salabieh, pour les travaux. Dix-huit vaisseaux de guerre et l'escadre de Brest sont depuis deux mois a Toulon; ils sont bloques par l'escadre anglaise. Les marins pretendent ici qu'ils arriveront en toute surete au mois de novembre. Il doit vous etre arrive des cartouches et beaucoup d'artillerie que j'ai ordonne d'envoyer de Rosette au Caire. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 thermidor an 7 (2 aout 1799). _Au general Menou._ Vous devez avoir recu, citoyen general, les ordres de l'etat-major relativement aux troupes qui sont actuellement sous vos ordres, et aux prisonniers. Dans la journee de demain, il ne-vous restera plus qu'un bataillon de la soixante-neuvieme, les trois bataillons de la quatrieme legere, et differens detachemens d'artillerie; faites sur-le-champ travailler a demolir les deux villages; faites deblayer toute l'artillerie de siege sur Alexandrie, hormis quatre pieces de 24, qui resteront a Aboukir, et deux mortiers a la Gomere. Faites embarquer a Rosette pour le Caire la piece de 8 et l'obusier qui s'y trouvent; faites evacuer sur Rosette toutes les pieces de 4 ou de 3 qui ont ete prises sur les Turcs, hormis deux qui resteront a Aboukir. Ordonnez qu'a mesure qu'elles arriveront a Rosette, on les fasse partir pour le Caire, hormis deux que l'on gardera pour le service de Rosette. Faites retablir le ponton pour servir au passage du lac; faites armer de deux pieces de 12 ou de 16 la batterie Picot, et, comme il est necessaire qu'elle soit a l'abri d'un coup de main, commencez par faire fermer par un bon fosse et un mur crenele cette batterie. Faites recueillir et mettez dans un magasin toutes les tentes; avec le temps on les evacuera sur Rosette. Quant aux blesses, j'ai ecrit par un parlementaire aux Anglais de venir les reprendre, je vous ferai connaitre leur reponse. Pour ce moment, faites-les reunir ensemble sous quelques tentes dans une mosquee. Je desire que vous restiez encore quelques jours a Aboukir pour mettre les travaux en train, et reorganiser tout dans cette partie. Ordonnez a l'adjudant-general Jullien de se rendre a Aboukir. Vous lui laisserez le commandement lorsque vous verrez les choses dans un etat satisfaisant. BONAPARTE. Rahmanieh, le 20 thermidor an 7 (7 aout 1799). _Au general Destaing._ Vous avez mal fait, citoyen general, d'attaquer les Anadis, et vous avez encore bien plus mal calcule de penser que je vous enverrais de la cavalerie pour une attaque que j'ignorais et qui etait contre mes intentions. Je ne vois pas effectivement pourquoi aller sans artillerie, presque sans cavalerie, attaquer des tribus nombreuses qui sont toujours a cheval, et qui ne nous disaient rien. Puisque vous pensiez que je ne devais pas tarder a arriver a Rahmanieh avec la cavalerie, il etait bien plus simple de l'attendre. Je n'ai recu votre lettre que pres de Rahmanieh, et j'avais alors envoye le general Andreossi avec toute la cavalerie et deux pieces de canon a la poursuite des Ouladis. Je ne sais pas s'il les rencontrera et ce qu'il fera. Vous nous avez fait perdre une occasion que nous ne retrouverons que difficilement. Nous nous etions cependant bien expliques a Alexandrie, de commencer a traiter avec les Anadis pour pouvoir les surprendre ensuite avec la cavalerie. J'imagine que les Arabes seront actuellement bien loin dans le desert. Au reste, je laisse l'ordre a Rahmanieh, au general Andreossi, de proteger, avec la cavalerie et les dromadaires, les operations qui pourraient etre necessaires pour eloigner les Arabes, en supposant qu'ils ne seraient pas accules dans le desert. BONAPARTE. Au Caire, le l3 thermidor an 7 (10 aout 1799). _Au directoire executif._ _Siege du fort d'Aboukir._ Le 8 thermidor, je fis sommer le chateau d'Aboukir de se rendre: le fils du pacha, son kiaya et les officiers voulaient capituler; mais ils n'etaient pas ecoutes des soldats. Le 9, on continua le bombardement. Le 10, plusieurs batteries furent etablies sur la droite et la gauche de l'isthme: plusieurs chaloupes canonnieres furent coulees bas, une fregate fut dematee, et prit le large. Le meme jour, l'ennemi, commencant a manquer de vivres, se faufila dans quelques maisons du village qui touche le fort: le general Lannes y etant accouru fut blesse a la jambe; le general Menou, le remplaca dans le commandement du siege. Le 12, le general Davoust etait de tranchee; il s'empara de toutes les maisons ou etait loge l'ennemi, et le jeta dans le fort, apres lui avoir tue beaucoup de monde. La vingt-deuxieme demi-brigade d'infanterie legere et le chef de brigade Magni, qui a ete legerement blesse, se sont parfaitement conduits. Le succes de cette journee, qui a accelere la reddition du fort, est du aux bonnes dispositions du general Davoust. Le 15, le general Robin etait de tranchee: nos batteries etaient sur la contrescarpe; nos mortiers faisaient un feu tres-vif; le chateau n'etait plus qu'un monceau de pierres. L'ennemi n'avait point de communication avec l'escadre, il mourait de soif et de faim; il prit le parti, non de capituler (ces gens-ci ne capitulent pas), mais de jeter ses armes, et de venir en foule embrasser les genoux du vainqueur. Le fils du pacha, le kiaya et deux mille hommes ont ete faits prisonniers. On a trouve dans le chateau trois cents blesses, dix-huit cents cadavres. Il y a telle de nos bombes qui a tue jusqu'a six hommes. Dans les premieres vingt-quatre heures de la sortie de la garnison turque, il est mort plus de quatre cents prisonniers, pour avoir trop bu, et mange avec trop d'avidite. Ainsi cette affaire d'Aboukir coute a la Porte dix-huit mille hommes et une grande quantite de canons. Pendant les quinze jours qu'a dure cette expedition, j'ai ete tres-satisfait de l'esprit des habitans d'Egypte: personne n'a remue, et tout le monde a continue de vivre comme a l'ordinaire. Les officiers du genie Bertrand et Liedot, le commandant de l'artillerie Faultrier, se sont comportes avec la plus grande distinction. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 aout 1799). Au general Desaix. J'ai ete peu satisfait, citoyen general, de toutes vos operations pendant le mouvement qui vient d'avoir lieu. Vous avez recu l'ordre de vous porter au Caire, et vous n'en avez rien fait. Tous les evenemens qui peuvent survenir ne doivent jamais empecher un militaire d'obeir, et le talent, a la guerre, consiste a lever les difficultes qui peuvent rendre difficile une operation et non pas a la faire manquer. Je vous dis ceci pour l'avenir. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 aout 1799). Au meme. Les provinces de Fayoum, de Minief et de Benecouef, citoyen general, n'ont jamais du fournir aux besoins de votre division, puisque meme l'administration ne vous en a pas ete confiee. Je vous prie de ne vous meler d'aucune maniere de l'administration de ces provinces. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 aout 1799). Au meme. Vous m'avez fait connaitre, citoyen general, a mon retour de Syrie, que vous alliez faire passer 150,000 fr. au payeur general; vous m'apprenez par une de vos dernieres lettres, que l'ordre du jour qui ordonne le paiement de thermidor et fructidor, vous empechait d'executer ce versement. Cet ordre ne devait pas regarder votre division, puisqu'elle n'est arrieree que de ces deux mois, tandis que tout le reste de l'armee, independamment de ces deux mois, l'est encore de sept autres mois; et ce n'est avoir ni zele pour la chose publique, ni consideration pour moi, que de ne voir, surtout dans une operation de la nature de celle-ci, que le point ou on se trouve. D'ailleurs, l'organisation de la republique veut que tout l'argent soit verse dans les caisses des preposes du payeur general, pour n'en sortir que par son ordre. Le payeur general n'aurait jamais donne un ordre qui favorisat un corps de troupes plutot qu'un autre. Il est necessaire que le payeur de votre division envoie, dans le plus court delai, au payeur general l'etat des recettes et depenses; je vous prie de m'en envoyer un pareil. Vous sentez combien il est essentiel pour l'ordre, que l'on connaisse toute la comptabilite de l'armee. Je sais que vous vous etes empresse d'y mettre tout l'ordre que l'on peut desirer. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 aout 1799). Au general Kleber. J'arrive a l'instant, general, au Caire. Le maudit chateau d'Aboukir nous a occupes six jours. Nous avons fini par y avoir huit mortiers et six pieces de 24. Chaque coup de canon tuait cinq a six hommes. Enfin, ils sont sortis le 15 en foule sans capitulation et jetant leurs armes. Quatre cents sont morts dans les premieres vingt-quatre heures de leur sortie, il y avait six jours que ces enrages buvaient de l'eau de la mer. On a trouve dans le fort dix huit cents cadavres; nous avons en notre pouvoir a peu pres autant de prisonniers, parmi lesquels le fils du pacha et les principaux officiers. On va vous envoyer des pieces de campagne, afin que vous en ayez six a votre disposition. Procurez-vous des chevaux. Rien de bien interessant d'aucun cote. Je vous enverrai demain ou apres une grande quantite de galettes anglaises, ou vous verrez d'etranges choses. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 aout 1799). Au general Desaix. J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 18 thermidor; j'approuve completement les projets que vous avez formes. Vous n'aurez effectivement acheve votre expedition de la Haute-Egypte qu'en detruisant Mourad-Bey. Il est devenu si petit, qu'avec quelques centaines d'hommes montes sur des chameaux, vous pourrez le pousser dans le desert et en venir a bout. Je vous ai demande le bataillon de la soixante-unieme, afin de reformer cette demi-brigade et de lui donner quelques jours de repos a Rosette. Des l'instant que vous serez venu a bout de Mourad-Bey, je ferai relever toutes vos troupes. Je prepare, a cet effet, la treizieme et une autre demi-brigade. Je serais d'ailleurs fort aise d'avoir vos troupes s'il arrivait quelque evenement, ou sur la lisiere de la Syrie, ou sur la cote. Les nouvelles que j'ai de Gaza ne me font pas penser que l'ennemi veuille rien entreprendre: ce n'est pas une chose aisee. Il n'y aurait de sense pour lui que de s'emparer d'El-Arich, et lorsqu'il l'aurait pris, il n'aurait fait qu'un pas. Quant a l'operation de traverser le desert, il faut rester cinq jours et meme sept sans eau. Il serait difficile, meme impossible de transporter de l'artillerie, ce qui les mettrait bon d'etat de prendre meme une maison. Je donne ordre qu'on vous envoie quatre pieces de 3 venitiennes qui sont extremement legeres. Je vous laisse la vingt-unieme, la quatre-vingt-huitieme, la vingt-deuxieme et la vingtieme. Des l'instant que l'inondation aura un peu couvert l'Egypte, j'enverrai le general Davoust, comme cela avait ete mon projet, avec un corps de cavalerie, d'infanterie, pour commander les provinces de Fayoum, Miniet et Benecouef: jusqu'alors, laissez-y des corps de troupes; arrangez vous de maniere que vous soyez maitre de ne laisser qu'une centaine d'hommes a Cosseir; que Keneh puisse contenir tous vos embarras, et que vous puissiez, en cas d'invasion serieuse, pouvoir rapidement et successivement replier toutes vos troupes sur le Caire. Faites filer sur le Caire toutes les carcasses de barques, avisos ou bricks appartenant aux mameloucks, nous les emploierons pour la defense des bouches du Nil. J'ai recu des gazettes anglaises jusqu'au 10 juin. La guerre a ete declaree le 13 mars par la France a l'empereur. Plusieurs batailles ont ete livrees; Jourdan a ete battu a Feldkirch, dans la foret Noire, et a repasse le Rhin. Scherer, auquel on avait confie le commandement d'Italie, a ete battu a Rivoli, et a repasse le Mincio et l'Oglio. Mantoue etait bloquee. Lors de ces affaires, les Russes n'etaient point encore arrives, le prince Charles commandait contre Jourdan, et M. Kray contre Scherer. L'escadre francaise, forte de vingt-deux vaisseaux de guerre et de dix-huit fregates, et partie de Brest dans les premiers jours d'avril, est arrivee au detroit, a presente le combat aux Anglais, qui n'etaient que dix-huit, et est entree a Toulon. Elle a ete jointe par trois vaisseaux espagnols. L'escadre espagnole est sortie de Cadix et est entree a Carthagene: elle est forte de vingt-sept vaisseaux de guerre, dont quatre a trois ponts; une nouvelle escadre anglaise est, peu de jours apres, entree dans la Mediterranee, et s'est reunie a Jervis et a Nelson. Ces escadres reunies doivent monter a plus de quarante vaisseaux. Les Anglais bloquent Toulon et Carthagene. Le ministre de la marine Bruis commande l'escadre francaise. A la premiere occasion, je vous enverrai tous ces journaux. Corfou a ete pris par famine. La garnison a ete conduite en France. Malte est ravitaillee pour deux ans. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 aout 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Vous voudrez bien, citoyen administrateur, faire signifier a la femme de Hassan-Bey que, si, dans la journee de demain, elle n'a pas paye ce qui reste du de sa contribution, elle sera arretee et tous ses effets confisques. Vous prendrez toutes les mesures pour accelerer le paiement de Hadji-Husseim. Les juifs n'ont encore paye que 20,000 fr.: il faut que dans la journee de demain, ils en payent 30,000 autres. Parmi les individus qui doivent, il y en a auxquels il ne fallait qu'une simple lettre pour les faire payer, entre autres Rosetti, Caffe, Calvi, et tous les individus de l'armee. Il y a la negligence la plus coupable de la part de l'administrateur des finances. Mon intention n'est pas d'accepter pour comptant du fermage des Cophtes, les differens emprunts que je leur ai faits, que je leur solderai en temps et lieu. Vous ferez demander 10,000 fr. a titre d'emprunt aux six principaux negocians damasquains, qui doivent etre payes dans la journee de demain, et vous leur ferez connaitre que mon intention est de les solder en ble. Faites-moi un rapport sur les affaires du tabac de Rosette; les renseignemens que j'ai eus sont que cela a du rapporter 14 ou 15,000 fr. Faites-moi connaitre ce qu'ont produit et ce que doivent les provinces de Gisey et du Caire. Faites-moi egalement connaitre ce qu'ont rendu les douanes de Suez et de Cosseir depuis que nous sommes en Egypte, et ce qui serait du par ces deux douanes. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 aout 1799). _Au general Lanusse._ Je vous prie, citoyen general, de garder mes guides et mes equipages; je n'ai pas pu me rendre a Menouf, vu le desir que j'avais de prendre connaissance des affaires du Caire, et de mettre tout en train: car, selon l'usage des Turcs, ils ne payent rien et ne croient pas a la victoire jusqu'a mon arrivee; mais je compte, dans deux jours, debarquer au ventre de la Vache et vous aller trouver a Menouf. Je vous ferai prevenir vingt-quatre heures d'avance. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 aout 1799). _Au general Dugua._ Vous ferez, citoyen general, interroger tous les scheicks El-Belet qui sont a la citadelle, pour savoir pourquoi ils ne payent pas leurs contributions; vous leur ferez connaitre que, si, d'ici au premier fructidor, ils ne les ont pas payees, ils paieront un tiers de plus, et que, si, d'ici au 10 fructidor, ils n'ont pas paye ce tiers et l'imposition, ils auront le cou coupe. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 aout 1799). _Au general Marmont._ Je donne ordre, citoyen general, que les deux demi-galeres et la chaloupe canonniere _la Victoire_ se rendent a Rosette pour concourir a la defense du Bogaz, afin d'etre en mesure, si M. Smith, ce que je ne crois pas, voulait tenter quelque chose avec ses chaloupes canonnieres: cet homme est capable de toutes les folies. Vous sentez qu'il est necessaire qu'un aussi grand nombre de batimens soient commandes par un homme de tete. Si le commandant des armes a Rosette n'avait pas le courage et le talent necessaires, tachez de trouver a Alexandrie un officier qui ait la grande main a cette defense: la faible garnison de Rosette fait que la defense du Nil est specialement confiee a la flottille. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 aout 1799). Il est ordonne au citoyen Desnoyers, officier des guides, de se rendre sur-le-champ a Boulaq; il se presentera chez le commandant de la marine, qui mettra a sa disposition une demi-galere armee. Il s'embarquera dessus, se rendra a Rahmanieh, se presentera chez le commandant de la place, montrera l'ordre ci-joint pour avoir une escorte, et arrivera en toute diligence a Alexandrie; il remettra en propres mains la lettre ci-jointe au general Ganteaume: c'est sa depeche principale. Il ne partira d'Alexandrie que lorsque le general Ganteaume l'expediera; il retournera a Rahmanieh, il restera dans le fort jusqu'a ce qu'il recoive de nouveaux ordres; un officier que je dois y envoyer lui portera les ordres, probablement du 2 au 5. Il est necessaire qu'il soit rendu a Rahmanieh le 2 a midi, au plus tard. BONAPARTE. Au Caire, le 26 thermidor an 7 (13 aout 1799). _Au general Desaix._ Je vous envoie, citoyen general, un sabre d'un tres-beau travail, sur lequel j'ai fait graver: _Conquete de la Haute-Egypte_, qui est due a vos bonnes dispositions et a votre constance dans les fatigues. Voyez-y, je vous prie, une preuve de mon estime et de la bonne amitie que je vous ai vouee. BONAPARTE. Au Caire, le 26 thermidor an 7 (13 aout 1799). _Au general Veaux._ Je suis tres-peine, citoyen general, d'apprendre que vos blessures vont mal: je vous engage a passer le plus tot possible en France; je donne tous les ordres que vous desirez, pour vous en faciliter les moyens: j'ecris au gouvernement conformement a vos desirs: vous avez ete blesse au poste d'un brave qui veut redonner de l'elan a des troupes qu'il voit chanceler. Vous ne devez pas douter que, dans toutes les circonstances, je ne prenne le plus vif interet a ce qui vous regarde. BONAPARTE. Au Caire, le 27 thermidor an 7 (14 aout 1799). _Au scheick El-Arichi Cadiashier, distingue par sa sagesse et sa justice._ Nous vous faisons connaitre que notre intention est que vous ne confiez la place de cadi a aucun Osmanli: vous ne confirmerez, dans les provinces, pour la place de cadi, que des Egyptiens. BONAPARTE. Au Caire, le 27 thermidor an 7 (14 aout 1799). _Au general Dugua._ Je vous prie, citoyen general, de faire arreter tous les hommes de la caravane de Maroc qui seraient restes en arriere, et que les Maugrabins venant a Cosseir ne s'arretent qu'un jour, et filent, pour leur pays sans passer par Alexandrie. BONAPARTE. Au Caire, le 26 thermidor an 7 (15 aout 1799). _Au sultan de Maroc._ Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete. Au nom de Dieu clement et misericordieux! Au sultan de Maroc, serviteur de la sainte Caabe, puissant parmi les rois, et fidele observateur de la loi du vrai prophete. Nous profitons du retour des pelerins de Maroc pour vous ecrire cette lettre et vous faire connaitre que nous leur avons donne toute l'assistance qui etait en nous, parce que notre, intention est de faire, dans toutes les occasions, ce qui peut vous convaincre de l'estime que nous avons pour vous. Nous vous recommandons, en echange, de bien traiter tous les Francais qui sont dans vos etats ou que le commerce pourrait y appeler. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 7 (15 aout 1799). _Au bey de Tripoli._ Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete. Au nom de Dieu, clement et misericordieux! Au bey de Tripoli, serviteur de la Sainte Caabe, le modele des beys, fidele observateur de la loi du vrai prophete. Nous profitons de l'occasion qui se presente pour vous recommander de bien traiter tous les Francais qui sont dans vos etats, parce que notre intention est de faire dans toutes les occasions tout ce qui pourra vous etre agreable et de vivre en bonne intelligence avec vous. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 7 (15 aout 1799). _Au general Desaix._ J'ai recu, citoyen general, un grand nombre de lettres de vous, qui avaient ete me chercher a Alexandrie et a Aboukir, et qui sont de retour. Vous aurez deja recu differentes lettres par lesquelles je vous fais connaitre que vous pouvez rentrer dans vos positions de la Haute-Egypte, et de detruire Mourad-Bey. Je vous laisse le maitre de lui accorder toutes les conditions de paix que vous croirez utiles. Je lui donnerai son ancienne ferme pres de Gizeh; mais il ne pourrait jamais avoir avec lui plus de dix hommes armes: mais si vous pouviez vous en debarrasser, cela vaudrait beaucoup mieux que tous ces arrangemens. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 7 (15 aout 1799).